Younghi Pagh-Paan étudie la composition et la musicologie de 1965 à 1971 à l’Université nationale de Séoul, avant d’entrer, suite à l’obtention d’une bourse du DAAD, à la Hochschule für Musik de Fribourg où elle étudie la composition avec Klaus Huber et l’analyse musicale avec Brian Ferneyhough. Elle obtient son diplôme en 1979. L’année suivante, elle est la première compositrice à recevoir une commande orchestrale de la part du festival de Donaueschingen, pour la pièce Sori.
Après avoir enseigné dans les conservatoires de musique de Graz et de Karlsruhe (respectivement en 1991 et 1992-1993), elle obtient en 1994 le poste de professeur de composition à l’Université des Arts de Brême, où elle est la première femme à occuper ce poste. C’est là qu’elle fonde l’Atelier Neue Musik, où elle enseigne jusqu’à sa retraite en 2011.
Comme Isang Yun avant elle (à la mémoire de qui elle dédie la série des NOCH), lui aussi compositeur coréen ayant immigré en Allemagne, Younghi Pagh-Paan explore les points de contact entre les traditions musicales occidentales et orientales, ceux relevant de la fusion comme de l’opposition. Ainsi, la série Man-Nam est une tentative, selon ses mots, de créer une « rencontre » (la traduction du titre) entre ces deux mondes, afin de dépasser le choc culturel ressenti par la compositrice à son arrivée en Allemagne. Cet aspect de son travail alimente le leitmotiv de l’œuvre de Younghi Pagh-Paan : le conflit entre le Soi et l’Autre ou l’Étranger, à la recherche d’un équilibre (un thème tiré de Hölderlin, « le propre doit être appris aussi bien que l’étranger1 ») : sa première pièce composée en Allemagne, Dreisam-Nore (1975) combine le nom de la rivière qui passe à Fribourg avec Nore, « chanson » en coréen. La pièce, pour flûte soliste, repousse les limites des possibilités tonales et techniques dans un langage musical distinct, ni coréen ni allemand. La compositrice pousse, plus récemment, cette idée de rencontre dans des pièces qui se présentent comme des dialogues entre les traditions taoïstes, bouddhistes et chrétiennes, comme peut l’illustrer notamment son unique opéra, Mondschatten (2006).
Son catalogue présente également une préoccupation importante pour des sujets tels que la fuite, la perte d’identité, la violence et la résistance politique. De nombreuses pièces sont inspirées de textes, surtout féminins, qui relatent l’expérience de la perte des racines et de la persécution, notamment par la déportation (Simone Weil – Horizonte, 2019 ; Edith Stein - Schweigend lauschen, 2019 ; Rose Ausländer – Noch III, 1996, sowon…borira, 1998 ; Sophie Scholl – Flammenzeichen, 1983). C’est aspect est à relier à une recherche, au travers de la composition, d’un dénouement (Madi, 1981, « nœud ») et d’une forme d’apaisement de la douleur (Nun, 1979, « neige », couleur du deuil), dans un cheminement vers la paix intérieure.
En 2009, elle devient membre de l’Académie des Arts de Berlin. Ses œuvres sont publiées par Ricordi.
Prix et bourses
- Grand Prix d’Art de l’Académie des Arts de Berlin, 2020 ;
- Prix Paiknam (prix de l’accomplissement personnel, Corée du Sud), 2013 ;
- MĂ©daille du SĂ©nat pour les Arts et les Sciences de la ville de BrĂŞme, 2011 ;
- 15e KBS Global Korean Award, 2009 ;
- Ordre du mérite civil de la République de Corée, 2007 ;
- Lifetime Achievement Award de l’Université nationale de Séoul, 2006.
- Prix Heidelberg pour les femmes artistes, 1995 ;
- Bourse de la fondation pour l’art du Bade-Wurtemberg, 1985 ;
- Premier prix de la ville de Stuttgart, 1980 ;
- Bourse de la fondation Heinrich Strobel de la SĂĽdwestfunk, 1980-1981 ;
- Premier prix du Rostrum of Composers de l’Unesco, 1979 ;
- Prix de musique Na Pa de Corée, 1979 ;
- Premier prix au 5e séminaire des compositeurs à Boswil (Suisse), 1978.
1. Friedrich Hölderlin, Sämtliche Werke und Briefe, II, p. 459-60 : « Aber das eigene muß so gut gelernt sein wie das Fremde. »