En 1985, Helmut Lachenmann écrivait au sujet de Pression : « la pièce a été composée en 1969, en relation avec l'idée d'une « musique concrète instrumentale » (...) [dans laquelle] les timbres, les intensités, etc., ne résonnent pas de leur propre gré, mais caractérisent, ou encore signalent la situation concrète : on entend avec quelle énergie, et face à quelle résistance se crée un son ou un bruit. Un tel aspect n'advient pas de lui-même, (...) et le chemin des habitudes auditives courantes et rodées est barré en quelque sorte en silence. L'ensemble devient une provocation esthétique : la beauté comme refus de l'habitude. »
L'œuvre s'ouvre par un glissement de l'archet sur le chevalet et par un glissement des doigts de la main gauche sur les cordes qui, dès l'abord, plonge l'auditeur dans cet aspect concret du son qu'évoque Helmut Lachenmann. La musique se construit lentement, dans une évidente adéquation au titre : la variation de pression de l'archet organise l'écoute, et conduit, dès la fin de la première minute, à l'opposé exact des glissements légers du début — une pression maximale de l'archet étant nécessaire pour produire les sons écrasés qui dominent alors. Ces sons « perforés » — c'est ainsi que les décrit le compositeur —, ont une durée telle (« au moins une minute », indique la partition) qu'il ne s'agit plus d'éléments « décoratifs », mais de composantes investies d'un rôle particulier : les repères habituels se dissolvent ici au profit d'autres perceptions — celle, par exemple, des harmoniques fluctuants qui apparaissent au-dessus des sons « perforés ». Ayant délimité ses « bornes », spécifié son terrain et sollicité l'écoute, la musique peut se développer en de riches combinaisons d'éléments sonores peu communs.
François Bohy, programme du Festival d'automne à Paris, cycle Helmut Lachenmann.