Thomas Hummel (1962)

Distances, mémoire et terre (1995)

for ensemble and electronics

electronic work, Ircam

  • General information
    • Composition date: 1995
    • Duration: 25 mn
    • Publisher: Inédit
Detailed formation
  • 1 flute, 1 clarinet, 1 contrabassoon, 1 trombone, 2 percussionists, 1 guitar, 1 electronic/MIDI keyboard/synthesizer, 1 accordion, 1 viola, 1 cello

Premiere information

  • Date: 18 May 1995
    Location:

    Paris, Ircam, Espace de projection


    Performers:

    l'Itinéraire, direction : Pascal Rophé.

Information on the electronics
Studio information: Réalisée à l'Ircam
Electronic device: dispositif électronique non spécifié

Program note

En allemand, on dit que deux couleurs « mordent » (beißen) lorsqu'elles sont similaires sans être identiques, et ne s'accordent donc pas. Rouge et rose ! Quand deux couleurs sont-elles semblables, quand sont-elles identiques, et quand sont-elles complémentaires ? Lorsque deux couleurs sont complémentaires, elles s'assortissent, mais qu'en est-il lorsqu'on leur adjoint une troisième couleur ? La science des couleurs est une discipline complexe et admirable, qui consiste à étudier l'action des couleurs et leurs interactions mutuelles. L'acoustique nous aide à comprendre ce qu'est une couleur sonore. Elle nous apprend que sa définition est étroitement dépendante de sa durée, point qui me semble particulièrement essentiel. Mais que deux couleurs jurent, qu'elles s'opposent ou qu'elles génèrent une contradiction relève plus généralement de la théorie de l'esthétique, dont les critères sont indépendants du type d'impression sensorielle impliqué.

Dans cette composition, j'ai avant tout basé mon travail sur les relations visuelles. Mais bien que la couleur (« couleur sonore », dans son acception globale, qui fait également référence aux notions de rythme et d'espace) joue dans l'œuvre un rôle de premier plan, il ne s'agissait pas, pendant le processus compositionnel, d'étude visuelle des couleurs, mais de graphisme. Graphiques en noir et blanc sur ordinateur, avec angles aigus et bien dessinés et rapports numériques réguliers et calculés.

Il y a ici contradiction. On ne peut jamais complètement appréhender la couleur sonore, celle-ci restant toujours un peu floue. Il importe d'adopter une technique d'approche particulièrement claire, me semble-t-il, si l'on veut éviter ce risque d'absorption inhérent à la couleur sonore.Au début de la deuxième phrase, il y a un passage dans lequel les couleurs sonores virtuelles de la pièce sont listées musicalement, comme en une sorte d'index. Elles ne sont toutefois pas répertoriées par ordre alphabétique, pour éviter que le « rouge » ne se retrouve trop souvent à côté du « rose ». Trois figures successives s'opposent en permanence, et un algorithme informatique détermine le contraste et la distance. Cet index constitue le cœur de la pièce, alors que les couleurs sonores, voire les textures qui y sont exposées, déterminent la globalité de l'œuvre.

La partie électronique de cette œuvre est basée sur l'électronique live, c'est-à-dire sur la transformation de la sonorité instrumentale. L'électronique remplit, sur le long terme, une sorte de fonction autoanalytique. Lorsque je sollicite ma mémoire pour me remémorer mentalement la structure de la pièce et la reconstituer, il arrive souvent que j'en aie alors une autre vision. L'électronique intervient à chaque fois de façon différente, et permet une exposition des différents rapports et niveaux présents dans le texte instrumental. J'ai repéré la musique à l'aide de couleurs, comme un musicologue qui chercherait à faire ressortir la structure d'une pièce. Il arrive fréquemment qu'une figure, au départ fractionnée et distribuée sur de nombreux instruments, recouvre son intégrité grâce à l'électronique. Parfois aussi l'électronique s'émancipe et se met à exercer comme un ascendant sur la musique. Ce processus est en fait étranger à l'électronique, celle-ci ne pouvant exister sans le son des instruments qu'elle transforme.

Thomas Hummel