Cette pièce est la deuxième d'une série d'œuvres en chantier inspirées par les 35 sonnets anglais de Fernando Pessoa. Elle fait suite au Sonnet XXII pour contre-ténor, archiluth et ensemble instrumental. Toutes ces pièces sont habitées par l'idée d'offrir un chemin — chaque fois différent — allant d'une interdépendance des musiciens très forte vers une forme d'affranchissement des individualités. Ainsi, dans Sonnet XXI, les voix cherchent à se distancier les unes des autres, elles y parviennent quelque temps, mais sont à nouveau ramenées vers la situation de départ, vers un point obscur, et lorsque les chanteurs peuvent effectivement se séparer, ils chantent paradoxalement d'une seule voix. Cela illustre un vers de Pessoa : « La chose une fois touchée demeure encore en la mémoire, réelle et extérieure. » J'ai également ressenti le besoin de faire appel à des vers extraits du Sonnet XLIII de William Shakespeare. Ceci dans l'intention d'incarner la mémoire du poète portugais (« Shakespeare comme mémoire de Pessoa »), une mémoire qui surgit à la voix d'alto grave et qui se prolonge chez le contre-ténor. La « Dark Lady » et le jeune homme récurrents aux Sonnets de l'Elisabéthain peuvent être ainsi suggérés.
Xavier Dayer, programme du concert de la création, festival « Voix Nouvelles 2000 », abbaye de Royaumont