Une transformation progressive de l’harmonie reposant sur l’écriture canonique, des percussions où dominent les claviers, des voix de femmes vocalisées, amplifiées et légèrement réverbérées : on croirait lire la description d’une œuvre de Steve Reich. Ces procédés et ces couleurs sonores s’entendent aussi dans Kaléidoscope, inspiré par des sources visuelles qui, en revanche, ne doivent rien à l’univers de l’aîné américain. Comme l’indique son titre, cette partition se réfère aux kaléidoscopes, selon un processus de transmutation qui tient de la synesthésie : « Ces combinaisons infinies de la lumière en transformations permanentes sont curieusement pour moi une source de sensations musicales », explique Guillaume Connesson. Il associe aussi la reproduction des Formes circulaires de Robert Delaunay, accrochée devant son piano, au « phénomène naturel des kaléidoscopes ».
Tout au long de l’œuvre en trois parties enchaînées (vif-lent-vif), « les glissements de l’harmonie ainsi que les mutations permanentes d’un motif rythmique de cinq temps cherchent à donner un équivalent musical aux transformations de la lumière dans des miroirs ». La soprano et l’alto chantent des voyelles, essentiellement en valeurs longues (ce n’est pas le cas dans les œuvres vocalisées de Reich comme Drumming ou Music for Eighteen Musicians). Fusionnant avec les timbres instrumentaux, elles créent un effet de résonance qui rappelle les vents d’un orchestre symphonique. « J’ai recherché une fusion totale des timbres en un objet sonore tournoyant et coloré, où le son minimaliste se mixe au son impressionniste », conclut Connesson, qui agrège ainsi deux esthétiques, française et américaine.
Note de programme du concert du festival Présences de Radio France du 8 février 2024 au Studio 104.