« La musique est pour moi une étreinte du monde — une
manière de m’ouvrir à la présence au monde, dans mon corps,
dans mes sons, et dans mon esprit. »
Augusta Read Thomas
Augusta Read Thomas a déjà parcouru — ou survolé — un
chemin en compagnie de l’oeuvre d’Emily Dickinson dans
Sunlight Echoes pour choeur de jeunes chanteurs et orchestre
de jeunes (2002) et Gathering Paradise, un cycle de mélodies
pour soprano et orchestre (2004). Cette pièce, Of Being is a
Bird, est un diptyque de chants d’oiseaux — des chants qui ont
bien entendu à voir avec les chants que les oiseaux eux-mêmes
chantent, mais plus encore, comme l’indique le titre du poème
éponyme, à quel point « être » s’apparente au vol d’un oiseau.
Après tout, le chant ici est le fait d’un être humain, et inspiré
par un être humain en particulier, puisque la compositrice nous
révèle qu’elle a « écouté tous les enregistrements de Claire
Booth [qui a assuré la création de l’oeuvre dans sa version avec
voix] qu’elle a pu trouver, et pris note de la couleur de chaque
hauteur de son registre ».
Ces couleurs soufflent sur les textures moirées du tissu
instrumental dans le chant inaugural, où solo et ensemble se
font inlassablement l’écho l’un de l’autre, bien que le solo seul,
pour l’essentiel, tienne la ligne dans la durée. Si l’un des
instruments de l’ensemble devait prendre le pas sur les autres,
ce serait sans doute plutôt la harpe qui, pour citer la
compositrice, « fournit comme un fil doré d’un bout à l’autre
de la pièce, en contrepoint avec le solo ». Les harmonies, elles
aussi, ne cessent d’évoluer, s’ajustant à la ligne soliste tout en
préservant la musique à flot et radieuse. On pourra parfois
entendre les nuages évoqués dans le poème, ou la douce brise,
ou le « Sillage de Musique », le tout agrémenté de quelques
bribes de chants d’oiseaux.
Offrant un contraste saisissant, à la fois par son tempo, rapide,
et par l’absence du soliste, l’interlude passe d’un temps humain
à un temps aviaire, suggérant un chant d’oiseau mais plus
encore les flèches d’oiseaux en plein vol — les oiseaux sont
imités par des instruments virevoltant en réponse à de
puissantes attaques de l’ensemble. « La musique s’élabore en
lignes contrapuntiques, pointe la compositrice, comme deux
formations d’une même floquée d’oiseaux, se mêlant et se
séparant et coulant et s’écoulant à travers le ciel. » Le
voltigeur principal est d’abord la flûte, mais bientôt tous les
instruments prennent leur essor dans un vertige virtuose.
La deuxième mélodie rappelle la première, mais pour un très
bref instant seulement, après quoi la musique accélère et
enfle, dans une exubérance qui emprunte au jazz. Le solo
participe au triomphe, et l’oiseau triomphant de la vie — et la
vie triomphant d’elle-même…