« Je me souviens avec beaucoup d’émotion de la surprise que j’ai ressentie la première fois que j’ai porté des lunettes : plus rien ne me semblait pareil. J’ai passé les premières années de ma vie sans savoir que j’étais myope. Les contours indéfinis des objets sur lesquels mon regard se posait avaient, dans mon esprit d’enfant, leur propre sens, leur propre structure. Il était normal de voir le gravier de la cour de ma maison comme une mer grise et floue, et rien qu’au toucher je pouvais reconnaître les tas de petits cailloux qui y étaient amassés. Je ne me souciais guère de l’indétermination et des nuances imprécises de la matière. Cette réalité-là faisait sens pour moi. Dès lors que j’ai porté des lunettes, les choses sont devenues clairement définies et déterminées. D’une certaine manière, c’était comme perdre le contrôle sur la définition des choses. La subjectivité de ma réalité laissait place à l’objectivité du monde. C’est à partir de cette image que j’ai voulu construire cette pièce.
Wam est une réminiscence dichotomique de mon enfance ; la représentation subjective d’une réalité ; la description d’une figure musicale unique et des mille variations qui la rendent toujours différente et changeante. J’ai commencé à écrire cette pièce comme une recherche sur la forme qui change selon la perspective. J’ai ensuite voulu pousser cette idée à l’extrême. Ainsi, j’ai décidé de m’attacher non plus à la forme de l’objet mais à son noyau, sa substance, que j’ai nourri d’images personnelles, tout en laissant ses contours nets et reconnaissables. »
Pasquale Corrado, note de programme du concert ManiFeste du 2 juillet 2022 au Centquatre-Paris.