InnerVoice est une invitation à l’introspection et à la quête de cette voix intérieure, puissante et vitale, susceptible de porter nos mouvements centrifuges et de nous ouvrir au monde.
Tout commence avec une perception du monde passée au crible de notre sensibilité intime, perception dont l’attention première serait l’aura du monde, dans une prise de distance indispensable à la recherche de l’essentiel. Cet échange d’énergies se traduit dans la pièce par l’osmose entre les parties instrumentale et électronique.
Dans la première partie de la pièce, ma démarche a été la suivante. D’abord, élaborer un modèle électronique riche et complexe à partir des sons bruités issus de l’enregistrement d’objets (verres et boîtes en plastique) placés dans le piano : comme une représentation du monde.
Ensuite, s’éloigner de ce premier modèle, pour aboutir à une électronique filtrée : cela passe par la dégradation naturelle du son du piano dans sa résonance, obtenue grâce à un dispositif qui permet de jouer des sons directement dans la caisse de résonance du piano et de les enregistrer au même endroit - comme dans un univers autonome refermé sur soi-même, un huis clos sonore. Les sons bruités y sont comme lissés et gagnent en légèreté. Cet écart vis-à-vis du modèle originel figure une prise de distance au monde.
Enfin, composer une partie de piano éthérée et légère, qui se surimpose à l’électronique, avec une temporalité plus intérieure, un rythme et des durées globalement plus larges et fluctuantes, comme s’il s’agissait d’un flux et reflux de pensées – lesquelles représentent donc l’aura de la distance au monde. La pianiste tend la main vers la table d’harmonie, comme pour toucher ce son, pour le cueillir et le ramener vers le clavier, qui est son lieu de prédilection.
Au fur et à mesure que l’on perçoit l’aura du monde et que celle-ci se manifeste dans l’intimité du piano, des énergies vitales centrifuges jaillissent naturellement, pour inverser le sens des échanges. La voix intérieure, si faible un instant auparavant, se met à présent à gronder tel un volcan en éruption. Et le monde à son tour se fait récepteur de cette voix, qui le touche et le transforme.
Emanuele Palumbo et Jérémie Szpirglas
Note de programme du concert du 12 juin 2017 au Centre Pompidou dans le cadre du fetsival ManiFeste.