Le titre fait allusion à une nouvelle du Livre de sable de Jorge Luis Borges, Otro (L’autre), qui relate la rencontre de l’écrivain avec un jeune homme qui n’est autre que lui-même des dizaines d’années auparavant. Je suis depuis longtemps fasciné par les réalités fictives de Borges. Dans Otro (L’autre), Nicholas Isherwood chante en dialogue avec une musique acousmatique qui comprend sa propre voix, enregistrée au GRM de Paris grâce à l’obligeance de Daniel Teruggi. Les enregistrements traités ont donné lieu à des monodies ou polyphonies vocales distribuées sur huit pistes pour une diffusion spatiale. En plus de ce matériau vocal, j’ai eu recours aux rencontres anachroniques de plusieurs processus de synthèse ou de traitement sonore que j’avais développés à différentes périodes de ma vie .
Le temps est un facteur d’altérité : il fait de chacun une personne différente. Otro (L’autre) y fait allusion par les textes – de brefs fragments de Parménide (traduits en français), Dante, Keats, de chants populaires espagnols, des noms de tribus indiennes éteintes depuis l’arrivée de Colomb en Amérique; et, dans la musique, des épisodes de silence, de perpetuum mobile, de ralentissement sans fin, de flots d’énergie continus ou non. La pièce se déroule sans interruption, traversant des phases successives: errance, temps suspendu, nuit, vocalise du soliste, flux, souffles.
La distribution spatiale et les mouvements des sources sonores sont en relation avec les scénarios qu’évoquent le texte et la musique. Certaines spatialisations sur 8 pistes tirent parti du logiciel Holophon, conçu au GMEM Marseille par Laurent Pottier et étendu par Charles Bascou, que je remercie pour son aide.
Jean-Claude Risset.