Animus Anima : binôme indissoluble, deux principes formant une cellule fondatrice de la pensée binaire, deux éléments opposés qui dynamisent la réalité psychique en lui permettant une forme de dialogue, de discours en devenir. Un terrain délicat donc, un matériau difficile même manipulé avec précaution et traité selon les canons du chant choral qui permettent d’atténuer les urgences du sens.
Je ne crois pas que l’on puisse attribuer à la parole chantée le statut d’un troisième élément entre animus et anima. Au contraire, quand la parole prend corps, elle peut choisir la voie de l’animus ou celle de l’anima. Dans le texte, j’ai privilégié le sens anima de la parole en laissant le sens animus à la voix qui chante, j’ai choisi la voie de l’anima en laissant à la musique l’obligation de faire résonner l’animus.
Pour cela, il fallait imaginer quatre figures, quatre lieux auxquels l’anima pût emprunter les paroles à offrir comme signifié et comme signifiant au chant. Ces quatre figures sont : origine, eros, anghelôs et voix. Chacune de ces parties entretient avec les autres un rapport de type généalogique : l’origine a besoin d’eros pour continuer, et le chemin de l’amour trouve dans l’annonciation un nouvel élan, une nouvelle inspiration pour alimenter le chant de la voix. Pour éviter tous les pièges de la syntaxe qui sont ensuite pour la musique des fardeaux, le texte s’est limité aux seuls mots sans articles, conjugaisons ou pronoms, aux mots qui gardent une signification et génèrent des variations de sens à travers le jeu des rapprochements, des répétitions et des durées.
Les quatre parties sont ainsi constituées de quatre palimpsestes de paroles organisées selon un principe d’économie. Elles sont en pratique quatre conteneurs qui ont laissé à ivan Fedele la décision et la charge du choix et de l’exclusion, comme si, en jouant sur les qualités phonétiques des termes, le compositeur retrouvait sa liberté.
d'après Giuliano Corti, concert du festival Agora, 17 juin 2011, Cité de la musique.