Brice Pauset (1965)

Symphonie I - Les outrances nécessaires (2001)

for spatialized chamber orchestra with piano

electronic work

  • General information
    • Composition date: 2001
    • Duration: 24 mn
    • Publisher: Lemoine, Paris, nº 27690
    • Dedication: à Isabel Mundry
Detailed formation
  • soloist: piano
  • flute (also piccolo, bass flute), oboe (also English horn), clarinet (also bass clarinet), horn, trumpet, trombone (also tenor/bass trombone), percussionist, harp, violin, second violin, viola, cello, double bass

Premiere information

  • Date: 24 November 2001
    Location:

    France, Dijon, festival Why Note


    Performers:

    Jean-Pierre Collot : piano et l'Ensemble orchestral contemporain, direction : Daniel Kawka.

Program note

On parle souvent — et à raison — de dialectique quant au déroulement formel de la sonate classique. On évoque plus rarement le sujet même de la dialectique : le dialogue, la division, la déduction et, finalement, l'inquiétude de ne pouvoir accéder, à l'issue des enchalenements de pensée, à rien de satisfaisant avant une hypothétique dernière étape.

C’est en ce sens que la pièce, par sa recherche constante d’équilibre et de synthèse des conditions de son propre parcours, pourrait se penser comme métaphore de l’intranquillité dialectique : un déroulement du temps musical au sein duquel le vocabulaire ne se référerait pas à un noyau donné (comme dans le thème des « thème et variations » de jadis), mais à la fluide consécution de ses passages, à sa propre histoire.

L'un des premiers sens historiques du terme même de dialectique, le dialogue, exprime la nature du concerto. Ici, le pianiste, séparé de l'orchestre et comme déduit de la totalité, voit son rôle solistique potentiellement menacé d'engloutissement, de dévoration par l'orchestre qui l'entoure. Seul un geste dramatique presque final le tirera de l'abîme.

L'idée d'un piano encerclé, surveillé, encadré par d'autres instruments est à l'origine de la décision de distribuer les treize membres de l'orchestre autour du public et de placer ainsi la sensibilité directe du public dans une position comparable à celle du piano lui-même. Par ailleurs, cette spatialité de l'orchestre se perd à différents niveaux : percussion et harpe, sur les côtés de la salle, décrivent un triangle dont la pointe est le piano — les cordes divisées en deux groupes se réfèrent plus directement à la spatialité baroque et à son cortège d'échos, de commentaires et de duplications — enfin, un carré d'instruments à vent de tessitures comparables, tout autour du public, suggèrent, par leur encadrement rigoureux, à la limite du carcéral, les sous-jacences poétiques possibles de l'œuvre.

Si j'étais provocateur, je comparerais volontiers la partie du soliste, ce piano qui s'échappe constamment de l'orchestre, pour en exprimer les manques, aux cavales des prisonniers-poètes qui, par leurs témoignages, nous forcent à considérer presque concrètement la honte inavouée que nous avons de nos prisons.

Brice Pauset.