« ... This is where it begins... it is not that it begins with the story. Rather, in the act of remembering it, he has become aware that something is happening to him... »
Paul Auster, The Book of Memory
And, yet est un commentaire dramatico-musical. L'action et la musique résultent toutes deux des mots avec lesquels j'ai essayé non de décrire mais d'évoquer un passage à travers des états d'être. Il n'y a jamais de rapports directs aux personnes dans les mots. Ainsi, l'action sur scène, par le mouvement des acteurs et leur relation au public, implique une recherche. Celle-ci consiste en l'acceptation de la perte de quelqu'un ou de quelque chose, qui s'impose à nous. Je pense en particulier au viol et à l'holocauste juif. Comme le processus d'acceptation est lent et difficile, le texte re-vit le chemin que le penseur parcourt pour accepter, puis continuer. Ainsi, le commentaire est à la fois une réaction aux mots énoncés sur scène par les acteurs et une tentative d'étendre la réalité virtuelle que les mots engendrent aux auditeurs. L'action se situe entre un lecteur et un auditeur, sur et en dehors de la scène, entre le texte lu et la musique. La musique est complètement dérivée du texte et fondée sur la résonance de la lecture que j'en ai faite. En musique indienne, le tabla est appelé le «silence». Le silence sur lequel la musique est interprétée et développée, un silence plus voluptueux et subtile, dont j'ai tenté de reconstruire la nature même dans l'univers sonore de and, yet ; c'est-à-dire un univers qui peut nourrir quiconque pénétrant mon univers poétique, avec son propre bagage intellectuel et sa propre histoire sans pour autant leur imposer les miens. Bien que la pièce soit fondée sur l'idée de l'acceptation de quelque chose qui s'impose à nous, j'ai essayé de donner au public autant de liberté possible — dans les limites de mon intention —, pour percevoir et méditer.
Emmanuel Witzthum, programme du concert du Cursus de composition 1999-2000, Ircam.