Cette œuvre confronte un soliste à un ensemble à travers quatre dispositions spécifiques, allant de l’intégration ambiguë au jeu strictement soliste. Parallèlement, quatre perspectives canoniques allant de la simultanéité totale au déploiement le plus large évoquent le parcours de la lumière lors de chaque saison. La relation d’une polyphonie stricte puissamment formalisée à la complexité des stratégies sous-jacentes de contrôle du matériau a autant contribué à une objectivation des techniques compositionnelles qu’au surgissement quelquefois imprévu de figurations à l’expressivité exarcerbée et très italianisante, presque madrigalesque.
Les Quatre canons pour violon principal et treize cordes représentent une synthèse constructive de deux tendances fondamentales de mon travail de compositeur : l’automatisme d’une part, l’informel d’autre part. Je ne m’attacherai ici qu’à commenter certains aspects spécifiques à cette œuvre à laquelle il est clair que les techniques que j’emploie régulièrement dans mon travail participent également.
Cette pièce utilise comme matériau préconstruit le troisième de mes propres Trois canons pour piano. Les deux premiers canons ont aussi pris part, à chaque fois selon un mode citationnel particulier, à la conception d’autres œuvres.
Les périodes métriques ont été bien sûr considérablement expansées ; il était important pour moi d’utiliser à la base un discours relativement lent, lissé, de façon à mieux canaliser la perception des événements particulièrement véloces du soliste et des sous-groupes se détachant occasionnellement de l’ensemble.
Un canon peut fonctionner selon deux principes : celui du retard (c’est la fugue, au sens premier du mot), ou celui de la prolation, par augmentation ou diminution.
Le principe adopté ici est une synthèse de ces deux techniques: un « soleil conceptuel », imaginaire, projette l’ombre des quatre sujets et détermine le parcours des réponses de ce sujet, sorte d’ombre portée ; la réponse est effectivement énoncée dans un cadre métrique distinct du sujet, et sous un mode fugué : le sujet est entendu après l’entrée des réponses, qui s’éteignent elle-mêmes après la fin des mêmes sujets.
Quatre perspectives allant de la simultanéité totale (II) au déploiement le plus large (IV) évoquent le parcours de la lumière lors de chaque saison, sujet qui m’était imposé par le commanditaire, en référence aux quatre concertos pour violon du même nom, de qui l’on sait…
Je me suis également inspiré de cette référence ultramontaine pour élaborer un « arsenal de techniques violonistiques » extrapolant les options italiennes des XVIIe et XIXe siècles. Je me suis également souvenu de ma propre pratique du violon pour l’écriture de la partie soliste d’une musique très vivante, fraîche, « qui sonne » d’emblée en procurant à l’audition un plaisir esthétique dionysiaque très direct, une musique évocatrice, presque imagée.
Brice Pauset.