Tellur est, au départ, une sorte de pari : comment produire avec un instrument à sons brefs et pincés tel que la guitare les continuums sonores nécessaires à mon travail sur les processus, les transitions, les évolutions ? J'ai trouvé une réponse en utilisant le procédé du « rasgueado » de la guitare flamenca, et même, d'une manière plus générale, le style de jeu, les types de son du Flamenco.
Le traitement des attaques sur la corde, par exemple, est particulièrement fin et soigné : on arrive ainsi à produire deux textures évoluant en sens divers sur une même corde, en même temps (en dissociant le son rendu par les percussions des ongles sur les cordes — son à la fréquence précise et contrôlable —, et le son provenant de la résonance propre des cordes). J'utilise aussi des passages progressifs du son au bruit (étouffement graduel des cordes), I'apparition progressive de sons harmoniques, des résonances harmoniques d'accords plaqués, des doigtes d'harmoniques inédits, des trilles multiples combinant main gauche et main droite, etc.
Tellur est l'exemple typique d'une partition dont le contenu dérive essentiellement du matériau sonore fourni par l'instrument, un instrument toutefois entendu et utilisé d'une manière qui le fasse se plier à des impératifs de style. Il y a ainsi interaction totale entre matériau de base et écriture musicale. L'instrument est accordé de façon spéciale, ce qui permet d'utiliser des accords ou des formules de rasgueado sur les six cordes sans retomber sur l'inévitable mi-la-ré-sol-si-mi de la guitare.