What the Blind See prend sa source dans l'imaginaire sonore et visuel de la science : étoiles et particules comme autant d'images de l'infiniment petit et de l'infiniment grand, « field recordings » de pluie et de neige, son « concrets » infinitésimaux, tirés des instruments. Nous avons recherché, avec Pierre-Edouard Dumora le vidéaste, les moyens de donner une forme sensible à des mondes invisibles, à travers deux œuvres autonomes, néanmoins inachevée l'une sans l'autre. La vidéo, présentée à Panorama à Tourcoing, conserve quelques traces sonores lointaines de l'œuvre musicale. La musique, présentée au 104, se reflète dans une scénographie d'images abstraites issues du film, mais dont le fil narratif aurait été déconstruit.
Les sons infimes et bruiteux de la musique sont analysés par l’informatique comme des molécules le seraient dans un microscope et amplifiés par des microphones-contact, générant des phénomènes sonores disproportionnés par rapport aux gestes subtils dont ils résultent. Diffractés puis projetés dans l’espace par l’électronique, ils sollicitent une écoute aux aguets ou acquièrent, au contraire, la puissance inouïe de collisions galactiques. L'interaction avec l'ordinateur s'appuie sur un système modelé sur un ensemble de descripteurs sonores cognitifs et développé grâce à la collaboration de chercheurs de l'Ircam. L'écriture instrumentale est également fondée sur ce modèle : elle manipule et transcrit avec les timbres de l'ensemble des modes de jeux bruités. Passages de l’infiniment petit à l’infiniment grand ; oreille collée au son ou perspectives lointaines et désolées : la notion d’échelle et de retournement de la perception sont ici au centre de l’expérience, comme veut en témoigner le titre de l'œuvre de la pièce, emprunté à un article du neurologue Oliver Sacks.
Aaron Einbond, programme de la création, Agora 2009.