Les deux voix et le violoncelle de Voices and Cello participent de l'écriture en trio qui parcourt l'œuvre de Feldman jusqu'à Three Voices, Crippled Symmetry et For Philip Guston. Le violoncelle toujours écrit en harmonique s'intègre au statisme du duo vocal. Douze notes égrénées en pizzicato à la fin de la partition rompent les minces filets du souffle instrumental. Inversement, les deux voix, privées de textes, d'attaques et de vocalises, participent d'une écriture instrumentale éthérée, où l'extinction du son devient un paysage de départ, exprimant ainsi « le lieu où le son existe dans notre écoute nous quittant plutôt que de venir vers nous ». Tout l'art de Feldman se concentre sur l'instant où le trio se brise, où l'harmonie se déchire, où le son et la phrase disparaissent dans un silence en lequel ils résonnent. Ou plutôt en une ombre, une de ces ombres que Feldman évoquait à propos de la peinture de Philip Guston : une trace, une forme atténuée, un ange gardien aux couleurs infernales, un espace où les rayons de lumière sont désormais interceptés par un corps opaque.
Laurent Feneyrou, programme du Festival d'Automne à Paris 1997, cycle Feldman.