Dans VoI(de fEmme)x, que j'ai écrit pour cinq voix féminines, le texte a été fait sur commande, en fonction de ce qu'allait être la pièce. La structure musicale s'avérait si complexe qu'il était impossible d'utiliser ou de respecter la linéarité textuelle. Comme la destructuration des phrases et des mots par la musique allait surtout mettre à mal les paramètres syntaxiques et sémantiques, c'est le niveau phonique (les assonances) qui a été le plus travaillé.
La partition se présente donc comme la superposition de cinq voix qui utilisent le texte comme un réservoir de matériau musical. Ainsi, telle voix épelle, à des vitesses variées, l'alphabet d'un syntagme, voire d'un mot, une autre en énumère les voyelles qui vont colorer des mélodies de souffles, une troisième en articule rythmiquement les consonnes...
On ne comprend donc jamais le texte tel quel, mais certains effets de sens venus de la musique ne sont pas sans rapport avec le sens initial de celui-ci. Si, par exemple, tel passage — bien que tout à fait destructuré — comporte des mots comme « rauque », « gorge », « râle »..., leur couleur sémantique se retrouvera dans l'objet musical produit — et seulement lui — qui apparaîtra, sans que je l'ai explicitement cherché, comme rugueux et tragique.
Claudy Malherbe, extrait de « Cinq question à propos de la musique et de l'audibilité », propos recueillis par Guy Lelong in Conséquences n° 8, Paris 1986