[…] il y aura toujours un reste, un supplément, un lapsus, un non-dit qui se désigne lui-même: la voix. Roland Barthes, «La musique, la voix, la langue»
Une voix persiste au travers. Mais au travers de quoi ? De la gorge de la chanteuse qui essaie d’aller vers sa propre voix microscopique? Des sons des paroles que lit la poète quand elle récite son texte traduit dans différentes langues étrangères? Ou est-ce la voix de la machine, qui persiste à s’immiscer dans la traversée de ces différentes vocalités?
C’est la rencontre inattendue avec la poète Irène Gayraud, dont le poème À l’enfant du crépuscule m’a intéressé notamment pour ses sonorités et rythmes, qui a ouvert la porte à la recherche constituant cette pièce. À cela s’ajoutent les différentes propositions de traduction homophonique (traduction du son et non du sens) du texte original (français) en trois langues (espagnol, anglais, italien) réalisées par le groupe Outranspo (Ouvroir de translation potencial). C’est finalement la découverte, puis l’utilisation du laryngophone (microphone pour larynx) lors des improvisations vocales de la chanteuse Marina Ruiz sur le texte multilingue final, qui ont suscité les matériaux définitifs avec lesquels cette œuvre a été imaginée. Elle est la première version d’un projet à mi-chemin entre une pièce vocale et une pièce de théâtre radiophonique, dont le protagoniste est finalement la voix elle-même, la réalisation de sa propre corporalité – le grain de la voix dirait Barthes – et ses résonances, décuplées par l’électronique.
Fernando Munizaga