Créée à Cologne le 2 décembre 1998 sous la direction de Peter Eötvös, cette œuvre est, comme son titre l'indique, la première dans laquelle j'ai tenté de remplacer le développement linéaire par la juxtaposition. En effet, alors que je débutais la composition de cette pièce, j'avais à ma disposition deux matériaux musicaux opposés. Le premier (l'actuel début) était contrapuntique, mélodique, alors que le second (devenu la coda) reposait sur la répétition quasi-obsessionnelle d'un accord. J'avais donc deux solutions pour passer d'un état à l'autre: soit je devais transformer progressivement le matériau du début pour conduire la forme vers la fin (c'est-à-dire réaliser une « interpolation » entre les deux idées), soit je décidais de prendre un chemin plus chaotique en mélangeant dans la section centrale des éléments étrangers les uns aux autres, mais aussi étrangers aux deux pôles extrêmes dont je disposais. Ayant choisi d'adopter la seconde attitude, j'ai introduit dans le discours différentes « turbulences » musicales (un récitatif aux bois accompagné par les cordes, une trame aiguë particulièrement instable, une section opposant vents et cordes sur des rythmes issus du jazz...) qui cohabitent, construisant un parcours sans cesse en mouvement et en recherche de contrastes. La fin de la pièce apparaît alors comme un moyen de résoudre les conflits générés par ces « turbulences », laissant la place au piano, devenu instrument concertant, qui introduit alors une linéarité au sens très conclusif.
Bruno Mantovani, éditions Lemoine.