Till, pour piano et support électroacoustique, fait partie d’une série de pièces (comportant aussi Leph, Tahil, Schall et Myr) composées entre 1991 et 1994, explorant le monde sonore du piano ainsi que quelques extensions possibles réalisées au moyen d’outils informatiques.
La partie électroacoustique de Till utilise exclusivement des sons de piano échantillonnés et ensuite travaillés à l’ordinateur, à des échelles the temps diverses, visant la création de morphologies parfois très éloignées de leur source. Ce travail, réalisé principalement à l’aide d’outils logiciels écrits dans le langage Csound, fût commencé au Studio Electronique de l’Université Technique de Berlin (pour l’échantillonnage du matériau de base), continué au SIM (Studio d’Informatique Musicale) de l’Université de Paris VIII (pour la transcription en codes numériques Csound ainsi que dans des données Midi) et s’est achevé dans les Studio Charybde du GMEB de Bourges (pour la mise en place finale des séquences et processus).
La partie de piano acoustique dérive de la partie électroacoustique : les plans harmoniques ainsi que leur mise en temps ont été composés à partir de données fournies par un programme d’analyse acoustique couplé à un programme de conversion en valeurs Midi, ce qui a permis d’utiliser ces données dans l’écriture de la partition en notation musicale conventionnelle. La motivation que sous-tend une telle démarche réside dans le désir de créer des passerelles, à la fois structurelles et perceptibles (ce qu’on pourrait appeler une vectorisation commune) entre des procédés propres à l’électroacoustique et à l’écriture instrumentale.
L’oeuvre se base sur des critères développés dans mes oeuvres électroacoustiques : une articulation d’objets, masses, courants polyphoniques et résonances. J’ai mis en place une procédé d’écriture basé sur un réseau de « miroirs » qui agissent comme modulateurs du matériau de base, en créant un tissu d’objets de formes et tailles différentes (allant du micro-temps des valeurs les plus minuscules aux divers échelles macro-temporelles). Cette technique n’est pas fondée sur l’application de symétries simples, comme c’est le cas des miroirs du contrepoint linéaire. Elle opère à partir d’attracteurs changeants, en ciblant quelques propriétés contenues dans le matériau et en les projetant sur des échelles de temps différentes, en créant à chaque fois une nouvelle perspective. Cette approche que je considère comme un exemple possible de composition musicale assistée par ordinateur, est aussi réalisable par voie exclusivement manuelle, car n’est pas concernée par des lois globales (stochastiques ou autres) : elle s’applique toujours à la création et l’articulation d’événements singuliers. Il n’y a donc pas, au centre de ce travail, des « populations » statistiques, mais toujours des détails uniques. Des textures et des masses (degrés de densité) et des courants (degrés de séparation du flux sonore dans plusieurs strates superposés) qui résultent d’une interaction composée reliant des multiples détails singuliers.