La forme définitive de ce quatuor est assez différente de celle que j'avais prévue initialement. Il y a environ sept ans, j'avais esquissé une forme en cinq mouvements qui fut réduite finalement à une forme en deux mouvements, dans laquelle le second contient les caractéristiques superposées des différents autres. Ce changement peut être attribué, dans une large mesure, à des questions d'équilibre, en même temps, une telle perspective modifiée me permit de considérer la pièce comme mémoire de deux types de réactions trés différents à un état de crise intérieure extrême. Puisque les deux mouvements, très différents dans leur contenu, ont approximativement la même durée, je les conçois comme deux pôles reflétant, par une opposition extrême, des espaces vides entre eux. Le premier mouvement se développe dans un monde presque gelé, hébété et autistique de fragments isolés et partiels, de répétitions discontinues et soudaines, d'explosions imprévues. Les quelques vingt textures de base ont été constamment transformées, effacées et recombinées de manière à éliminer pratiquement toute possibilité d'établir une continuité en profondeur. Dans le même temps, la forme entière reflète intimement la nature propre de son matériau en une stratégie en miroir. D'un côté, les sections individuelles sont emboîtées à l'intérieur d'un schéma complexe de symétries sous-jacentes, d'un autre côté, le dernier tiers du mouvement reflète les schémas et les textures types des deux premiers tiers en replaçant chaque élément avec son complémentaire à l'opposé du spectre.
Le second mouvement fait jaillir un flot irisant d'images agitées, semblables à des cadences par leur constant changement de combinaisons instrumentales ainsi que par leurs superpositions fluctuantes et sauvages de textures et de tempos. La complexité de ce mouvement réside beaucoup dans le fait que plusieurs mouvements y ont été condensés, chacun d'eux ayant été « endommagé » à un degré plus ou moins important. Avec le temps, un auditeur attentif peut découvrir les structures résiduelles d'une forme de rondo, celle-ci devant être comprise moins comme quelque chose d'imposé consciemment que comme une réflexion sur le fait que, finalement, trois strates sont développées en même temps, même si elles ne sont perceptibles en tant que telles qu'à certains moments choisis à l'avance.
Brian Ferneyhough.