Tempus ex machina I est essentiellement une étude sur le temps. Les hauteurs des peaux, des bois et des métaux, schématisées à l'extrême et vite repérées par l'oreille, autorisent une concentration aiguë sur la structure temporelle. C'est une épure d'où la couleur est réduite au strict nécessaire : seule émerge la forme, et la moindre erreur est fatale ! Cette démarche abstraite me permet, j'ose l'espérer, d'échapper à l'ennui chronique qu'engendrent généralement les pièces qui ne retiennent de la percussion seule que la séduction immédiate des timbres. Ceux-ci, usés depuis plus de trente ans, ont besoin qu'on les prenne un peu au sérieux !
Comme dans la plupart de mes autres œuvres, le matériau est quasiment sublimé en un pur devenir sonore. Ainsi, les rythmes de la séquence initiale ne sont pas à prendre comme cellule, mais plutôt comme véhicule du temps : périodicité, accélération et décélération ne sont que trois pôles entre lesquels le discours oscille, se frayant un chemin entre le semblable et le différent, vers l'intérieur même du son. Ce lent parcours de la macrophonie vers la microphonie détermine la forme de Tempus ex machina, véritable machine à dilater le temps, dont l'effet de zoom nous laisse peu à peu percevoir le grain du son, puis la matière même. Ainsi, les derniers sons perçus ne sont que les coups de la grosse caisse et du tambour de bois du début de la partition, mais dilatés à l'extrême, nous permettant d'appréhender l'inaudible : transitoires, partiels, battements... le corps même du son. Après de nombreux méandres, nous sommes parvenus au but du voyage : l'autre côté du miroir.
Gérard Grisey.