Tamonontamo représente un moment charnière dans l’évolution de ma manière de composer. Depuis mon Concerto pour clavier midi, ensemble et électronique, j’ai pris conscience de la nécessité d’abandonner certains aspects plus « décoratifs » de mon esthétique pour accorder poser toute mon attention au geste et au timbre. Sans renoncer à mon goût pour l’harmonie, c’est une attitude différente face aux diverses problématiques de la composition que j’adopte.
D’un autre côté, Tamonontamo est un opus supplémentaire dans la série de ces pièces que j’aime appeler « amphibiennes » ; de ce point de vue, elle peut être décrite comme une « musique instrumentale pour chanteurs ». Comme dans les précédentes pièces du cycle, les quatre chanteurs solistes chantent souvent à l’intérieur de flûtes traversières. Le corps de la flûte modifie le timbre et estompe les aspects les plus romantiques (ou lyriques) de la voix pour dévoiler une forme d’expressivité ; quant à l’écriture, elle se plie aux contraintes créées par cette prison même. Si j’ai décidé de ne pas intituler (ou sous-intituler) Tamonontamo d’un « Anfibi n+1 », c’est que la présence du chœur en fait une pièce à part, aux caractéristiques bien particulières et bien différentes des autres pièces « amphibiennes ».
Quatre contre vingt-quatre : il y a dans cet effectif vocal un problème d’équilibre qui m’a occupé de longs mois durant. Jusqu’à ce que je décide de changer ma manière de l’aborder, préférant donner aux solistes, au chœur et à l’électronique des rôles indépendants. C’est la raison pour laquelle j’ai également préféré la dénomination « quatuor vocal » à celle, plus pompeuse, de « voix solistes ».
Bien sûr, l’amplification permet d’imaginer des gestes privilégiés pour les solistes tout en ménageant une étroite synchronisation entre partition acoustique et partition électronique. En pratique, l’électronique m’a aidé à effacer plus encore les aspects trop « vocaux » pour mettre en avant les traitements « instrumentaux » de la voix.
Enfin, pourquoi ce titre, Tamonontamo ? C’est en réalité un mot valise, une synthèse, en italien et sans apostrophes, du sonnet 66 de Pablo Neruda — en français, on pourrait le traduire par Jetaimejenetaimepas. Cette contraction verbale est le seul « texte » véritable qui sera chanté ; la gamme des énonciations vocales est complétée par d’autres phonèmes, inspirés de la technique instrumentale de la flûte traversière. Le rythme et la dichotomie internes du titre m’ont aussi suggéré la forme globale de la pièce et l’alternance des différentes parties.
Il ne faut rien chercher d’autobiographique dans ce titre : je ne l’ai choisi, et je ne l’aime que pour son rythme intérieur ; amour, désamour, noir, blanc, le vrai, le faux... c’est ce balancement essentiel qui devient musique.
Maurilio Cacciatore, propos recueillis par Jérémie Szpirglas.