Entreprise dès juillet 1921 et achevée en 1923, la Suite, opus 25 de Schoenberg correspond, avec les Cinq pièces pour piano opus 23, à l'application de son nouveau principe de composition avec douze sons. Il s'agit en effet de sa première partition intégralement dodécaphonique.
Il est indéniable qu'à cette époque Schoenberg cherchait à prouver la validité de sa technique d'écriture, tant dans ses œuvres musicales que dans ses écrits. Ainsi dans un article intitulé Gesinnung oder Erkenntnis ? (Opinion ou perspicacité ?, publié en 1925 dans l'Almanach des éditions Universal), il se pose la question « de savoir s'il est possible d'atteindre à l'unité et à la fermeté formelle sans le secours de la tonalité ». La réponse est donnée pour la première fois avec l'opus 25 où l'unité tonale est remplacée par l'unité de la série.
Le langage entièrement nouveau de cette œuvre repose toutefois sur un certain nombre de références au passé, et plus particulièrement à Jean-Sébastien Bach. La série comporte en effet un hommage au Kapellmeister de Leipzig en s'achevant par les quatre notes qui découlent de son nom (si/H do/C la/A sib/B). Le schéma global de l'opus est en outre un emprunt explicite à la suite instrumentale du début du XVIIIe siècle. Schoenberg conserve la succession des danses au caractère contrastant qui caractérise ce genre : Präludium, Gavotte, Musette, Intermezzo, Menuet et Trio et Gigue. Ces six pièces sont brèves car, comme l'explique le compositeur en 1925, « l'abstention vis-à-vis des moyens d'articulation traditionnels rendit tout d'abord impossible l'échafaudage des grandes formes, car elles ne peuvent exister sans une articulation précise. »
Toutefois, l'importance de cette œuvre ne peut être réduite au seul critère historique. L'opus 25 tient également une place importante dans le répertoire pianistique de la première moitié du XXe siècle. Au-delà de la recherche d'un langage, il s'agit là d'une pièce fondamentalement conçue pour l'idiome pianistique. « Il n'y a pas, rappelait en effet Glenn Gould, une seule phrase de toute la musique pour piano de Schoenberg qui soit mal conçue pour le clavier. »