Sixteen Dances représente une étape intermédiaire dans l’évolution des techniques de John Cage car elle utilise des séries de sons prédéfinis. Le registre sonore de la pièce est composée de soixante quatre sons différents, arrangés en huit rangs de huit colonnes chacun. Comme dans ses œuvres précédentes, John Cage limite ainsi délibérément ses choix compositionnels ; il s’agit alors de se déplacer dans le registre sonore, de choisir un son puis un autre et de les enchaîner rythmiquement. De plus, au cours des seize danses, le contenu du registre se modifie progressivement pour que les sons entendus à la fin soient totalement différents de ceux du début.
Le chorégraphe, quant à lui, s’est inspiré des huit émotions permanentes de la tradition indienne rasa ; quatre d’entre elles sont blanches (l’humour, l’émerveillement, l’érotisme, l’héroïsme), et les quatre autres sont noires (la colère, la peur, le dégoût, le chagrin). Ces émotions sont les huit premières des navarasas (« neuf émotions ») et ont une tendance commune vers la neuvième : la tranquillité. Chaque danse est suivie par un interlude.
Par différents moyens — le rythme, la dynamique, les silences —, John Cage transforme les matériaux bruts du registre sonore en expressions de ces diverses émotions. Le registre produit ainsi une musique tour à tour affolée (la peur), légère et étrange (l’humour), maugréante et désagréable (le dégoût), morne (la tristesse), sensuelle (l’érotisme) etc. De remarquables effets sont également produit dans les interludes (mélodie innocente pour le douzième et même un blues pour le dixième).
James Pritchett, progrmame du concert du 25 mars 2010, Centre-Pompidou.