Comme l'Étude pour Séraphin écrite en 1992 pour quatre trombones, quatre tubas et six percussionnistes, Sine nomine I est sous-titré étude pour cinq cuivres. Loin de faire appel à une virtuosité toute digitale ou concernant simplement les modes de jeux – assez restreints ici – cette étude a pour unique sujet la dynamique. Les nuances extrêmes, les notes répétées, voire martelées, les fusées dans l'aigu, les accords tranchants et les silences dramatiques, véritables trous dans la matière sonore, sont autant de moyens d'articuler la forme comme une succession de contrastes de dynamiques et de registres.
Le début de l'œuvre, massif et vertical, explore les nuances dans leurs extrêmes par gonflement du son (crescendo ou diminuendo), et nous plonge d'emblée dans l'expressionnisme de Rihm : une musique tendue à l'excès où le vertical semble dès le départ vouloir s'opposer à toute forme de déploiement mélodique ; d'où l'importance de ces courts motifs qui, toujours interrompus, sont condamnés à ne jamais pouvoir se développer. Toutes griffes dehors, cette musique ne se laisse pas appréhender dans un cadre formel ; en véritable continuateur de la tradition allemande, Rihm est sensible à la notion d'auto-engendrement de la matière sonore à partir d'une idée de base, si élémentaire soit-elle : ici, le jeu de nuances sur l'unisson des trois premières mesures présage, à lui seul, du devenir de l'œuvre entière. « La musique, écrit le compositeur, se meut continuellement en et avec elle-même à partir de son début (qui peut ne pas en être un). » Dans Sine nomine I, c'est donc moins le matériau qui compte que l'exploitation systématique et outrée d'un certain nombre de gestes expressionnistes dont la stridence, le caractère heurté ne sont jamais mieux rendus que par la famille des cuivres.
Eurydice Jousse.