La musique dans Rocaná est en flux continu. L’impression d’ensemble et la structure générale forment une unité, une sculpture sonore, que l’on peut cependant observer sous les angles les plus divers, car les structures internes sont en mutation perpétuelle. Même si la musique donne parfois une impression d’immobilité, de subtiles impulsions, interactions et réactions continuent à exister. Certains éléments reviennent de façon récurrente mais toujours sous une forme variée. Ils ne sont pas développés mais s’enchaînent sans interruption et se fondent, créant de nouvelles interactions et de nouveaux processus. Des structures ordonnées entrent abruptement dans des phases de turbulences et inversement. Des structures pointillistes se diluent dans des nuées sonores et inversement. Ces processus sont souvent caractérisés par une auto-ressemblance (dans le sens de la théorie des fractales).
La nomenclature de l’orchestre est plus ou moins conventionnelle, mais j’ai essayé de traiter l’orchestre comme une « machine à illusions » virtuose qui, partant du familier, crée du nouveau. Grâce à la combinaison des techniques instrumentales les plus diverses, au développement rythmique ainsi qu’à l’influence mutuelle de structures en harmoniques et de micro-intervalles, j’obtiens des mutations et des transpositions de timbre, faisant alterner en un jeu les phénomènes de lumière et de couleur.
Pour l’auditeur, ce ne sont pas tant les structures décrites ou les sources d’inspiration qui sont décisives que l’expérience de la musique comme révélation immédiate.