À la suite d’une catastrophe survenue en 2101, la température sur terre atteint 60 degrés. Les humains ne peuvent plus vivre sans tenue de protection et les femmes ne peuvent plus enfanter sans perdre la vie. Alors qu’elle est amoureuse de Taschko, dont le corps entièrement brûlé ne peut plus être touché, Pagona se retrouve enceinte d’un autre homme. Malgré les risques, elle décide de mener la grossesse à terme. Elle parle à l’enfant qu’elle porte, la poésie devenant la meilleure arme contre la violence du monde.
J’ai toujours aimé travailler l’alliance de la littérature et de la musique. La forme de la musique-fiction est particulièrement stimulante, car elle propose une nouvelle façon d’articuler le texte, la musique et l’espace. Il est enthousiasmant de penser avec la compositrice Núria Giménez-Comas une conduite de la fiction, des événements, des accélérations, des bouleversements, pris en charge à la fois par la musique et par les textes. Dans ce monde de 2175, les êtres ne peuvent se déplacer à l’air libre sans combinaison de protection : le corps est absent mais objet de désir permanent ; le texte, très visuel, travaille sur des images, la référence au cinéma est permanente. La musique-fiction permet de travailler la sensualité de la voix, en sollicitant, par la composition sonore, l’imaginaire du spectateur. Le texte d’Anja Hilling obéit à un système dramaturgique assez précis, alternant un récit poétique, adressé par Pagona à son enfant qui va naître, et des flash-back racontant l’histoire du trio formé par Pagona, Posch et Taschko. L’enjeu est donc de « traduire » ensemble ce dispositif et de penser une dramaturgie commune au texte et à la musique, en plongeant le spectateur dans un véritable rapport de proximité à la voix, comme « in utero » et en spatialisant les scènes, avec différents codes de jeu, des instruments qui se font le relais des personnages, des tableaux qui se font bande-son, avec une musique, qui, comme en 2175, recrée la nature à partir du synthétique, et fait entendre la peau.
Anne Monfort
Le texte d’Anja Hilling est fortement ancré dans le monde sonore, c’est aussi un texte très poétique qui m’impressionne fortement et traite de la capacité d’adaptation de l’être humain, après une catastrophe écologique mondiale. Le format immersif des Musiques-Fictions nous permet de travailler sur une construction de la dramaturgie sonore dans le temps et dans un espace tridimensionnel très riche. Des recherches sonores me paraissent essentielles : d’un côté, un travail sur la lumière et la chaleur comme métaphores du bouleversement, de la perte, de la nostalgie. De l’autre, une prise en compte de l’impossibilité du toucher, avec la présence du désir et l’intensité des relations dans un monde dystopique où il deviendrait impossible de se toucher. Le fait que les êtres humains se soient adaptés à ce monde d’après la catastrophe en recréant tout de manière artificielle m’a donné l’idée de recréer tous les sons naturels au moyen de différents types de synthèse et d’élaborer ainsi des paysages sonores synthétiques et enveloppants, en trois dimensions.
Núria Giménes-Comaz
Note de programme des représentations du 18 au 25 juin 2022 au T2G Théâtre de Gennevilliers.