Commandée par le Groupe de Recherches Musicales, Mutations (1969) a été entièrement synthétisée par ordinateur aux Bell Laboratories.
Cette pièce tente d'exploiter, notamment dans l'ordre harmonique, quelques unes des possibilités qu'offre l'ordinateur de composer au niveau-même du son – pour ainsi dire de composer le son lui-même. Ainsi, tout au début, un même motif apparaît d'abord sous forme mélodique, puis harmonique – comme un accord, enfin sous forme de timbre, comme un simulacre de gong qui est comme l'ombre de l'accord précédent – l'harmonie est prolongée dans le le timbre. Le titre fait allusion aux transformations graduelles qui s'opèrent au cours du morceau, et notamment au passage d'une échelle de hauteurs discontinue) à des variations de fréquence continues. Ce passage se fait par l'intermédiaire de développements en mutations – au sens des jeux de mutations (ou de mixtures) de l'orgue : l'ajout graduel d'harmoniques de plus en plus élevés donne lieu à un réseau d'intervalles de plus en plus resserrés. Les sons continus glissent vers l'aigu suivant une montée « en spirale » qui peut se poursuivre indéfiniment – un paradoxe ou une illusion acoustique. Après un pont faisant appel – pour la première fois dans une œuvre musicale – à la technique de modulation de fréquence de John Chowning, une récapitulation fait entendre ensemble échelles de hauteur continues et discontinues, jusqu'à un point final qui libère les composantes aigües et graves des structures harmoniques initiales.
Le film abstrait Mutations a été réalisé à partir de la musique par l'artiste américaine Lillian Schwartz, qui est passée de la peinture à l'usage des media les plus variés, notamment la synthèse d'images animées par ordinateur (elle a fait sensation récemment en démontrant à l'aide de l'ordinateur qu'on retrouvait les proportions du visage de Léonard de Vinci dans ... la Joconde). Les images ont été produites de trois façons différentes. Des croissances de cristaux en lumière polarisée ont été filmées en accéléré. Ont été filmées également des figures produites par réfraction de rayons laser dans des plastiques transparents : l'échauffement provoqué par les rayons de forme les plastiques, ce qui anime les figures. Enfin plusieurs sections du film ont été produites par ordinateur, suivant des processus de développement souvent voisins de ceux mis en œuvre dans la pièce – par exemple des métaphores visuelles de l'illusion de glissando montant indéfiniment.
Mutations, primée à l'International Electronic Music Competition, Dartmouth 1970, a été enregistrée sur disque LP « Winners of the Dartmouth Electronic Music Competition », sur disque LP Ina-GRM « Risset-Mutations », puis sur cd Ina C1003.
Le film Mutations a reçu le Golden Eagle Award et a été sélectionné pour le Festival de Cannes 1974.