Commencée en 1968 et achevée un an plus tard, ma Missa Brevis constitue un premier essai de confrontation entre les structures cycliques développées dans mes œuvres instrumentales précédentes et les puissantes contraintes historiques, culturelles et formelles imposées par le texte spirituel canonique. Mon but était moins de réaliser une synthèse de ces deux éléments extrêmement divergents que d'atteindre un équilibre extrêmement instable, fébrile et provisoire au sein duquel les terrains d'expression de la musique et du verbe habiteraient des univers distincts sans jamais (pour autant) acquérir une parfaite autonomie.
Ainsi, chaque mouvement propose une solution différente au problème pérenne des relations texte et musique. Tandis que le Kyrie morcèle le texte jusqu'à ses syllabes constituantes, en les faisant circuler d'un chanteur à l'autre, d'un premier groupe au groupe antiphonal, avec une sensation de mobilité complète, le Gloria travaille sur de plus larges unités sémantiques – en général de la longueur d'une ligne –, et les soumet à un important embellissement polyphonique. Souvent, deux lignes de texte sont présentées simultanément, réparties en général entre voix d'hommes et voix de femmes. Telles sont les « forces centrifuges » générées par cette condensation du texte. Vers la fin du mouvement, la fragile collaboration entre texte et musique commence à se dissoudre pour tendre vers un mode de profération purement parlé.
À mesure que progresse le travail, l'indépendance fonctionnelle et spatiale des trois quatuors vocaux s'affirme de plus en plus, jusqu'à ce que chacun d'entre eux, dans l'Agnus Dei final, se déploie librement, à l'initiative de l'un de ses membres, en contrepoint des autres dans son propre tempo.
Brian Ferneyhough.