Les mots sont nés à partir d’un texte du sculpteur Alberto Giacometti. Il ne s’agit pas d’un texte conçu pour une publication mais au contraire d’un élan littéraire, d’une vision inscrite sur des feuilles éparses ou sur les murs de son atelier. Cette lecture m’a transporté. Ces paroles, pour moi, ont la force de la nécessité. J’ai cherché à m’attacher au texte à travers l’utilisation d’un « madrigalismo allargato », me référant plus au champ sémantique qu’au mot à mot d’où la forme tripartite de cette pièce. J’ai travaillé sur la dialectique des éléments plus ou moins connotés de la langue commune contemporaine pour créer les ambiances sonores : mouvements en spirale, sons métalliques, détails poussés jusqu’au pointillisme et pulsations élémentaires, primordiales. J’ai cherché, en définitive à recréer le voyage mental de Giacometti, qui pour moi a une forte sensation de déjà vécu ; un moment onirique et sincère qui a le sens d’une pulsion humaine.
Marco Momi.
« Je ne veux m’engager dans rien
tenir les mains toujours complètement libres dans l’air,
n’entrer dans aucune écorce,
ne toucher à rien du moins directement,
que les choses viennent avec les pieds muets,
d’elles-mêmes elles entrent sans que j’entende aucun éclat de porte qui s’ouvre et se ferme,
aucune ligne droite,
aucune blessure,
je ne toucherai pas.
Constater sans en tirer aucune règle,
ne porter aucun jugement,
de très loin,
de très loin le temps se décompose dans l’espace avec un ralenti effroyable,
tout bouge à peine,
continuellement,
se transforme dans une lenteur toute debout,
même les cataclysmes,
même l’éruption d’un volcan à peine perceptible.
Mais l’ondée qui m’envahit sur le ventre d’une femme et qui me serre la gorge,
mais avec une douceur infinie. »
Alberto Giacommetti (1933-1934).