Les lueurs se sont multipliées. C’est la première phrase du roman L’emploi du temps de Michel Butor. Depuis le train, à travers les cendres et la pluie, le héros voit défiler les lampes à pétrole d’une ville du nord. J’avais choisi ce titre pour une longue pièce sombre – mais ce n’est pas ce que j’ai écrit. Un deuxième train a traversé ma pensée, le Paris-Rome de La modification, encore un roman de Butor. Dans ce livre, un Parisien marié imagine la vie qu’il mènera avec sa maîtresse romaine lorsqu’ils s’installeront ensemble – mais toutes ses convictions et ses envies sont bouleversées par le voyage. Entre la pièce que j’ai décidé d’écrire à Paris et celle que j’ai écrite à Rome – lors d’un séjour à la Villa Médicis –, mon idée a également subi des modifications. Au projet d’une pièce sombre se sont ajoutées deux images romaines pleines de lumière – la Stanza di Livia et le Clair de lune au bosco – ; un prologue et un épilogue sont venus encadrer ce triptyque. Loin d’être affaiblie par l’inconstance ou le doute, la proposition artistique est devenue plus légitime : l’abondance de sources s’est transformée en richesse sonore, le questionnement littéraire en singularité formelle, tout le processus d’écriture était un labyrinthe digne de la plume de Butor.
Mikel Urquiza, note de programme du concert ManiFeste du 1er juillet 2023 dans la Grande Salle du Centre Georges Pompidou.