Titre qui pourrait s’appliquer à bon nombre d’œuvres. Il suffirait de s’entendre sur le sens donné au “présent”. Ici, je serai plus radical : le présent qu’évoque ce titre est en réalité l’instant. Cet instant que Bachelard nous décrit comme la seule réalité du temps, et dont la multitude constitue la durée, une durée que nous rendons intimement nôtre par notre façon de la vivre, de la composer. “Je” compose l’instant, celui-ci me compose. Actes machinaux, réfléchis, dont le but est d’infléchir l’instant vers une continuité composée. De cette dernière surgit un autre… qui à son tour… Mort et résurrection de l’instant ! Entrelacs d’actions et de réactions. Autre aspect de cet instant/présent celui de la réalité sonore quotidienne. “Donnez-nous nos sons” … afin que notre intimité se recompose dans l’harmonie et la dysharmonie de ce qui nous est donné à entendre. Des sons familiers aux plus anonymes, de ceux que nous créons ou que nous subissons, nous sommes un lieu de résonance pour les uns comme pour les autres. On souhaiterait que cette résonance se prolonge indéfiniment. Simplement l’amorce d’un “indéfiniment”. On demanderait au temps de ne plus avancer, d’immobiliser un devenir dirait Vladimir Jankélévitch, de baigner dans cette illusoire situation où le temps est “gelé”. Rien ne va plus ! Le temps gelé mange du temps. Il faut poursuivre. À l’opposé, l’éphémère, chair du présent, noyau de l’instant. Sa force tient dans sa brièveté. Comme une pointe, il nous pénètre inconsciemment, parfois plus profondément, atteignant en nous les faisant découvrir, de grandes nappes souterraines d’où jaillit le passé, écho paradoxal du présent.
Bernard Parmegiani.