Les Kontre-Punkte (Contre-Points) pour dix instruments sont nés d'une préconception, du projet d'obtenir dans un monde sonore divers et multiple, fait de tons et d'intervalles temporels distincts, la dissolution de toutes ces oppositions, jusqu'à atteindre le stade où l'on n'entend plus qu'une entité totale et immuable.
L'œuvre est d'un seul tenant. Six couleurs sonores différentes interviennent : flûte-basson, clarinette-clarinette basse, trompette-trombone, piano, harpe, violon-violoncelle ; soit trois paires d'instruments à vent dont la technique de jeu est diverse, et trois instruments à cordes, frappées, pincées ou frottées. Ces six couleurs sonores en rejoignent finalement une seule, celle du piano (cordes martelées). Les autres instruments lui cèdent le pas dans l'ordre que voici : trompette, trombone, violon, clarinette basse, basson, harpe, clarinette, violoncelle puis flûte. Les six différents degrés de puissance sonore (ppp - sfz) se ramènent progressivement au seul pp.
Les écarts importants entre intervalles temporels très courts et très longs disparaissent ; on ne conserve finalement que des valeurs moyennes très proches les unes des autres : double croche, double croche pointée, double croche de triolet ou de quintolet, etc. L'opposition entre les liaisons tonales verticales et horizontales devient un système contrapuntique monochrome à deux voix.
Karlheinz Stockhausen, texte de programme pour la « Nouvelle fête de la Musique » (« Neues Musikfest ») de Cologne, 1953.