C’est en mars 2000 que le Royal Festival Hall de Londres commanda une œuvre à Magnus Lindberg. Comme onze de ses confrères, le compositeur était alors chargé d’écrire une pièce à l’occasion du soixante-quinzième anniversaire de Pierre Boulez. Après avoir achevé en 2000 Jubilee I, sa première pièce pour piano seul depuis Twine (1988), Lindberg — dont l’instrument favori est pourtant l’orchestre — est attiré par la petite forme et continue d’écrire pour le piano. En décembre 2000, il achève la version pour piano de Jubilees, constituée de six mouvements séparés, reliés par leur matériau et leur technique compositionnelle. Un an plus tard, le compositeur reprend la partition de Jubilee pour esquisser les contours d’une version orchestrale. L’orchestration reste inachevée jusqu’à l’hiver 2002-2003, période au cours de laquelle le projet complet voit enfin le jour. Entre-temps, Lindberg s’est remis au piano et interprète lui-même Jubilees à plusieurs reprises en concert. C’est finalement à une autre forme d’interprétation que se livre le compositeur lorsqu’il donne à Jubilee un habillement orchestral ne se limitant pas à un exercice de style « ravélien » qui consisterait à transférer note par note, à l’orchestre, l’écriture pianistique initiale. Sans aller jusqu’à parler « d’infidélité » à l’œuvre de départ, on relève cependant des ajouts de notes en contrepoint ainsi que de légères transformations de la texture qui permettent au compositeur de tirer parti de l’effectif orchestral.
Du point de vue de la structure, le mouvement le plus complexe est certainement le premier, « Jubilee I », qui s’ouvre par une présentation du matériau utilisé. Comme souvent, Lindberg choisit pour point de départ une succession d’harmonies, ou de zones harmoniques, à la manière d’une chaconne baroque, chacune de ces zones possédant sa propre identité gestuelle. Un premier groupe de six harmonies est ainsi présenté au cours des quinze premières mesures, puis répété obstinément, mais cependant jamais à l’identique. La pensée kaléidoscopique de Lindberg les montre en effet, à chaque apparition, dans une nouvelle configuration. Après ce premier mouvement, qui évolue dans une perpétuelle mobilité du tempo et de la texture, les quatre suivants sont d’apparence moins complexe. Le deuxième est lent, le troisième rapide, le quatrième plus lent que le deuxième et le cinquième d’un tempo plus vif que le troisième. Ce caractère contrasté, Lindberg l’accentue encore, dans la version orchestrale, par le choix de l’instrumentation — le cinquième mouvement, par exemple, est écrit pour octuor à vent. Au début de « Jubilee VI », la structure harmonique apparaît sous une forme compressée, purifiée, en une succession d’accords dont les registres extrêmes se rapprochent par mouvement chromatique. Vers le milieu de la pièce, la texture entame une progression vers l’aigu. Parvenue au maximum de sa tension, la musique se résout alors dans le registre grave par des notes tenues maestoso. C’est le « Poème de l’extase » de Lindberg qui, graduellement, mène l’orchestre à un choral avant le geste de clôture, l’origine de l’architecture ayant ainsi été révélée.
Risto Nieminen.