Ses Instantanés seront donc sa manière de dire, comme Augustin : « Le temps présent s'écrie qu'il ne peut être long ». Ici, les mêmes figures se désagrègent, elles ne se laissent plus rassembler, elles revendiquent chacune leur maintenant : dans le premier, l'urgence des notes répétées dans le second, les lentes et mystérieuses lignes d'horizon mouvantes qui si souvent donnent à sa musique son orient (ce sont des pôles qui, comme dans les sculptures magnétiques de Takis, tendent et tirent les lignes à distance) dans le troisième, des éclats, anacrouses ou désinences, on ne sait plus très bien. Mais j'arrête là, c'est déjà trop, c'est déjà faux, l'instant non plus n'est jamais simple, il n'est pas d'un seul tenant, il ne se laisse plus maintenir. Maintenant, les instants et les instantanés se confondent, ils renvoient l'un à l'autre, les lignes d'horizon et les pôles ressurgissent là où on ne les attendait plus, déjà dans le troisième instantané, puis dans le quatrième, le cinquième, le sixième. Dans le septième aussi, qui, pour l'instant, sera le dernier. Et de nouveau, je compte. Alors que le décompte ne sert à rien quand on rencontre « un pays à dédoublement ». C'est Patrick Weidmann qui dit cela dans le texte de Trei et c'est encore le long des lignes brisées d'un de ses poèmes que court Essaims-Cribles, ce « ballet de chambre pour clarinette basse et ensemble instrumental ».
Peter Szendy.