Composée en 1960, In search of an orchestration est écrite pour un ensemble assez important d'instruments à vent, quatre groupes de percussion, piano, célesta, harpe, violoncelles et contrebasses (ces deux derniers groupes d'instruments jouant le plus souvent en pizzicato).
D'un bout à l'autre de l'œuvre, la nuance doit être constamment maintenue dans un pianissimo impalpable ; depuis le complexe sonore initial du piano, du célesta, de la harpe et de la percussion rehaussés par quelques très légères touches d'instruments à vent, jusqu'à la tenue terminale du piccolo, l'œuvre doit toujours se situer à la limite du seuil d'audibilité, ainsi qu'il en va souvent dans les œuvres de Morton Feldman (cf. Projection 2 pour flûte, trompette, violon et violoncelle (1952) ou le Roi de Danemark pour percussion (1964) par exemple).
Si, au sein de cette musique à la sonorité constamment atténuée, les indications de timbres instrumentaux et de modes de jeu sont toujours d'une extrême précision, celles concernant les hauteurs en revanche sont beaucoup plus lâches : la plupart du temps, le compositeur se borne à indiquer le nombre de sons que chaque instrumentiste doit jouer simultanément ou successivement dans un laps de temps donné ; mais il ne précise jamais la hauteur exacte de ces sons, seul le registre, aigu ou grave, dans lequel doit évoluer la figure musicale étant de temps à autre spécifié.
Il en résulte une musique d'un très grand raffinement sonore, où les superpositions de hauteurs varient nécessairement d'une exécution à l'autre et entraînent du même coup des fluctuations qualitatives relativement perceptibles en ce qui concerne les mélanges de timbres, la couleur sonore d'un timbre instrumental individuel étant en effet sensiblement différente selon le registre dans lequel joue l'exécutant.
Cette œuvre, qui réclame de chaque interprète une musicalité d'un type particulier, exige du chef d'orchestre une battue extrêmement souple dont la qualité principale doit être, selon les propres termes du compositeur, la flexibilité.
Francis Bayer.