Le cheminement du lecteur à travers l’oeuvre d’Emily Dickinson est toujours éminemment solitaire, notamment parce qu’elle n’a jamais présenté sa production en catégories qui puissent guider cette progression, ni même l’orienter de manière claire et explicite. Et si, parmi l’ensemble de sa poésie, les résonances sont perceptibles, elles demeurent secrètes et énigmatiques.
Je me suis souvenu de cette expérience singulière pour élaborer la trajectoire d’Epigram I et II, dont le déroulement temporel devait restituer cette sensation.
Aussi ai-je choisi d’intégrer des textes dont la succession ne procède pas d’une volonté organisatrice, mais constitue une suite d’associations poétiques. Les thèmes de la solitude, de la quête d’identité, de la disparition sont récurrents, sans que l’ensemble formé par ces poèmes isolés puisse jamais donner l’impression d’un tout uniforme. Pour parachever cette forme allusive, la plupart des textes n’ont pas été intégrés a priori, mais le plus souvent au cours de la composition, en fonction du climat que la musique elle-même suggérait. Les différentes transitions, articulations, épisodes instrumentaux et silences donnent à entendre les correspondances entre les différents poèmes. Ainsi, j’ai souhaité élaborer une forme qui puisse incarner cette poésie tout à la fois complexe, radicale, imprévisible et ambiguë.
L’ensemble de la pièce comportera au final six mouvements, pour une durée totale de quarante minutes.