Dir - in dir est comparable à un voyage initiatique ou, plus précisément, un chemin, un rite sonore, vers la redécouverte d’un nouveau soi. Il s’agit d’un chemin ascendant, menant vers une possible divinité ou un royaume de l’au-delà, perceptible seulement à l’intérieur, pénétrant les profondeurs les plus secrètes de l’âme.
Les distiques tirés du Voyageur chérubinique d’Angelus Silesius, mystique allemand du XVIIe siècle, constituent le fondement de cette œuvre. La connexion entre la musique et les mots est extrêmement étroite, mais ambiguë : il ne s’agit pas seulement de chanter un texte ou de le traduire en musique. La parole se dissout dans la musique, se perd en elle, la transforme en langage (contrairement à la pratique « habituelle » consistant à rendre les mots chantables), jusqu’à ce qu’elle aussi acquière presque un sens. L’intersection en spirale du cycle vocal avec une série de commentaires instrumentaux, qui sont cependant placés dans l’ordre inverse aux distiques chantés, finit par construire un labyrinthe, à la fois perceptible et conceptuel, dans lequel la parole se perd dans la musique (se dissout dans le son), et la musique dans la parole (dans un son qui imite et semble même anticiper les phonèmes et les fragments de mots).
Stefano Gervasoni, note de programme du concert du 9 septembre 2020 à la Villette, salle Boris Vian