Au moment de l'écriture, le compositeur est face à lui-même, sans les armes du style. Il ne dispose donc que de voix incertaines, de sons allusifs et inachevés pour décrire le monde comme destin commun.
Dans Coram, les fragments apocryphes d'un monde archaïque et plein de résonances se mêlent aux éléments de la langue mise en musique sous le ciel des messages harmonieux qui indiquent la direction au futur, à l'origine et à l'ailleurs. Des voix à peine nées sont déjà capables de chanter... Coram est la caisse de résonance d'échos cachés dans les forêts de timbres, dans les cavernes des voix, dans les montagnes des sons. C'est le désarroi du chant face à un moyen qui n'atteint jamais le tout, car composé de fragments, de paroles, de syllabes, de phonèmes incertains qui se brisent dans la gorge comme une plainte, une prière, une invocation à la paix. Alors l'auteur encourage la voix afin qu'elle s'aventure au pays des sons, en évitant ces pensées toujours prêtes à casser leurs propres jouets... L'impérieux désir d'une poésie dans laquelle le son pourrait s'écarter pour voler leur sens aux mots, tandis que la voix chante et que les premières lueurs du jour éveillent le faucon, tandis que le rythme débusque le souffle qui voudrait dormir encore un peu, et continuer de se bercer d'illusions sous la protection distraite de la langue mère et dans le lit des genres. Les genres du fragment...Coram est un requiem laïc, expression que l'on emploie, n'est-ce pas, lorsque les voies du sacré sont interrompues ou impraticables.
Ivan Fedele, programme du Festival Musica 96.