J'ai composé les Cinq poèmes de János Pilinszky en avril 2004, au début mon séjour à la Villa Médicis à Rome. Conseillé par Magda Szabo de l'institut hongrois de Paris, j'ai découvert la poésie de Pilinszky avec un immense bonheur. Au milieu d'une vaste production, j'ai choisi cinq textes dont la thématique ne fait pas directement référence à leur pays d'origine, mais qui témoignent de la vivacité poétique en Hongrie au XXe siècle. Ecrits dans une langue riche en accentuations asymétriques et en sonorités, ils ont évidemment déterminé mon travail de composition sur le plan sonore. J'ai considéré l'ensemble vocal comme un réservoir de sons, dans une logique toute électroacoustique. Tout d'abord, j'ai divisé l'effectif en quatre groupes distincts, afin de me servir de l'espace comme d'un paramètre dramaturgique fort. Ensuite, dans le choix des textures, je me suis souvenu du travail en studio, notamment en ce qui concerne la superposition des dynamiques. La première pièce est un continuo sans cesse en mouvement sur des syllabes répétées. Sur ce « fond », des « figures » apparaissent, énonçant quelques mots. Ces figures, tantôt pointillistes, tantôt lyriques, permettent aussi de comprendre acoustiquement l'occupation de l'espace par l'ensemble. Alors que ce premier poème est traité dans une logique de continuité, le second, lui, est bien plus vertical, juxtaposant les mots chantés en homorythmie, mots séparés quelquefois par le silence. La notion d'articulation est ici mise au premier plan, et elle est encore plus glorifiée dans la troisième section, la plus rhapsodique de toutes. En effet, alors que dans les deux premiers poèmes, je tentais de trouver une idée unificatrice qui résumait le texte dans son intégralité, ici, tout fonctionne de façon plus illustrative, et donc énumérative. S'oppose à cette fantaisie la quatrième pièce qui, elle, est fondée sur un élément unique : un accord qui apparaît progressivement, au fil de mots. Les échos entre les syllabes prononcées et leur résonance sont aussi d'inspiration électroacoustique. Quant à la dernière pièce, elle est la plus longue du cycle. Elle exploite l'espace dans sa dimension la plus continue, des intervalles passant imperceptiblement d'un groupe à l'autre. Renvoyant au premier poème par le procédé de figure sur fond, ce poème fait office de finale recueilli. Commandés par le choeur de chambre Accentus, ces Cinq poèmes de János Pilinszky sont dédiés à Laurence Equlibey et à Constance.
Bruno Mantovani.