Il est toujours assez risqué pour un compositeur de débuter un cycle en numérotant son premier volet, tant il est impossible de savoir si les envies musicales et les hasards heureux ou non de la vie lui donneront l'occasion de se consacrer un jour à un éventuel « numéro 2 ». Pourtant, dans son titre, j'ai décidé d'assumer le fait que cette œuvre pourrait être au commencement d'une aventure de longue haleine, tant mon attirance pour le genre de la « cantate » est forte. En règle générale, la mise en musique d'un ensemble de poèmes pour voix et musiciens est une attitude qui m'est naturelle, depuis la Morte meditata en 1999, même alors qu'aujourd'hui, j'ai écrit un opéra qui, par définition, laisse place à la représentation. Utiliser l'espace laissé par l'imaginaire poétique pour élaborer une dramaturgie sonore pose avant tout le problème de la forme. Pour cette cantate, j'ai choisi une dizaine de poèmes de Rilke dans toute sa production. La présentation des textes n'est pas chronologique : il s'agissait pour moi de créer une continuité poétique et une structure cohérente à travers les différentes parties. La diversité musicale provient autant de contrastes de l'écriture que des changements d'effectifs vocaux et/ou instrumentaux. Un des enjeux principaux, outre d'organiser le cycle dans son entier par des transitions efficaces et des retours (notamment d'un interlude instrumental) a été de créer conflit et contraste à l'intérieur de chaque section. Ma conception très « dix-neuviémiste » de la dramaturgie dans le cadre d'une forme courte offre un écrin au déploiement d'un langage qui, lui, n'a rien de nostalgique. Elle est dédiée à Manfred Schreier.
Bruno Mantovani, juin 2006.