666. le chiffre de la Bête. Au-delà de la référence à l’Apocalypse de Jean, voilà un nombre qui évoque toute sorte de diablerie ou de sorcellerie – et je me suis longtemps refusé à donner ce titre à ma pièce, ne voulant pas l’enfermer dans un contexte trop ésotérique. En réalité, tout comme Fantasmi (2006, en français : fantasmes ou fantômes) ou Fulgurances (2007) qui s’intéressent à la part de folie qui se cache en chacun de nous, 666 trouve ses origines dans mon intérêt pour les zones d’ombre de l’être humain. Il s’agit d’ailleurs d’un aspect récurrent dans mon travail qui consiste à explorer musicalement la fragilité de l’âme, ses paradoxes, voire ses contradictions.
« l’homme est un animal raisonnable » nous dit Aristote. Certes. mais qu’en est-il lorsque l’on perd la raison ? Cette question est au cœur de l’œuvre dans laquelle j’ai laissé cette « Bête » qui m’habite – qui nous habite – s’exprimer librement. Musique sauvage, empreinte d’une certaine cruauté à la violence aussi radicale que libératrice, elle n’est autre que l’expression de notre animalité.
Le choix instrumental participe d’ailleurs de cette illustration puisque, d’une formation classique à la beauté lisse et grave à laquelle on l’associe naturellement, je propose une vision « renversée », en laissant apparaître la « face cachée ».
Sur le plan formel, cette œuvre se découpe en six mouvements – l’occasion de m’essayer à de toutes petites formes – où des mouvements d’ensemble (en trio) alternent avec des mouvements virtuoses, mettant en valeur successivement chacun des trois instruments.
Propos recueillis par Jérémie Szpirglas.