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Guidés par l’intuition selon laquelle il n’est de créativité collective ou individuelle qui ne se réalise à travers un complexe d’œuvres – autrement dit, des variations locales ou des multiplicités en devenir –, nous tâcherons de voir comment l’appareil conceptuel déployé par L’Immanence des vérités permet de réactualiser, mais aussi de compliquer, l’affaire du sublime mathématique évoquée par Kant dans la troisième Critique.
Pour ce faire, nous mobiliserons sur un mode informel le concept central de cet ouvrage, celui de l’« ultra-filtre » (chapitre C14). Nous le mettrons au travail en envisageant des configurations de l’art contemporain exemplairement liées à la puissance du générique (Sol LeWitt, Morellet, Ikeda…), en relation avec les thèses sur l’« index de l’absoluité d’une œuvre » (chapitre C22). Il s’agit dans tous les cas de faire apparaître ce qui atteste, dans un complexe de « grandes parties » enveloppées par une multiplicité, la poussée intérieure de l’infini – la pression exercée de manière immanente par une contrainte infinitisante.
Cette opération fait simultanément transparaître une limite inframince – mais active, sans cesse déplacée, et donc finalement inassignable – entre un Tout (potentiellement infini) auquel s’égale tendanciellement chaque grande partie, et la donnée d’un ensemble (effectivement infini) de telles parties totales – ou presque totales : c’est tout le problème. Cet inframince, on le verra, n’est plus celui de Duchamp. Il n’a pas affaire à cette différence infime et singularisante qui rejoue sur le terrain de l’art les discussions suscitées par le principe leibnizien des indiscernables. Il ne fait plus écho à cette conception « fractale » et expressive de la pars totalis popularisée par un certain bergsonisme fin-de-(XXe)-siècle. Mais il n’est pas exactement non plus celui des pratiques du générique qu’une première lecture de Badiou permettait d’identifier dans le champ de l’art contemporain, là où des artistes font l’épreuve des limites de l’infini constructible et des procédures constructives en général. Il manifeste, à la manière d’un éclair, le frottement des infinis les uns contre les autres et l’impossibilité de tout recouvrement de l’œuvre par un ensemble constructible.
Du point de vue d’une philosophie de l’art, l’enjeu est donc de comprendre comment une pratique artistique organise activement son rapport à l’infini sous les espèces de l’œuvre ou de la constellation d’œuvres, mais aussi du projet ou de la performance. Une telle réflexion débouche finalement sur un approfondissement de l’idée de l’œuvre comme prototype – prototype dont on pourrait dire, en reprenant une formule de l’ouvrage, que « le réseau de ses efficacités locales est à la mesure de la procédure tout entière » précisément lorsqu’il offre, dans « la production d’œuvres finies », le « résultat hors finitude du croisement d’infinités disparates ».
Alors le sublime touche véritablement à l’absolu. Invoquer la résistance de la matière ou de l’« informel », reporter indéfiniment le moment de la clôture en multipliant les traces ou les « déchets » du mouvement infini de l’Idée (« processus », « œuvre totale », « œuvre à venir »…) n’en donnera jamais qu’une pâle approximation.
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