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Le concept de mètre tel qu’il est défini au sein de la musique occidentale est encore souvent utilisé pour la description de pièces issues d’esthétiques musicales extra-occidentales, au risque d’analyses dans lesquelles positions étiques et émiques ne coïncident pas. Suivant l’impulsion des travaux de Clayton (1997) dans le domaine de la musique de l’Inde du Nord, nous souhaitons questionner le mètre dans celui des esthétiques musicales afro-diasporiques.
En effet, l’écoute, par des î, de certaines productions appartenant à ce dernier corpus laisse percevoir une organisation musicale composée de motifs récurrents et de variations, un principe de monnayage rythmique bien connu dans certaines régions africaines (Arom, 1985). Ces motifs – souvent implicites – peuvent être révélés de façon statistique grâce à une analyse computationnelle selon une perspective paradigmatique. Néanmoins, leur analyse par l’utilisation du concept occidental de mètre manque sa cible ou, dans le meil- leur des cas, n’aboutit qu’à une description partielle du phénomène musical. Les premières descriptions et modélisations (Locke, 1982 ; Arom, 1984 ; Kubik, 1999; Chemillier, 1999; Anku, 2000; Temperley, 2000; Toussaint, 2002…) ont permis de révéler la complexité d’un matériau musical organisé de façon extrêmement précise, une complexité dont la téléologie est encore peu étudiée.
Héritant en partie de la thèse psycho-cognitive de Pressing (2002), notre propre pratique de la musique ainsi que de son enseignement nous amènent à poser l’hypothèse que ces motifs récurrents peuvent constituer, non seulement un principe de segmenta- tion temporelle fort, mais également de véritables schèmes de synchronisation primordiaux. Si tel était le cas, ils adopteraient le statut particulier de mètre anisochrone, tel que le définit London (2004). Selon les esthétiques musicales, un tel mètre peut- être explicite (joué par un ou plusieurs musiciens, à l’unisson ou en hoquet) ou implicite. Dans ce dernier cas, il apparaît comme une sorte de palimpseste, par émergence.
Par ailleurs, on pose l’hypothèse qu’une même performance musicale puisse être structurée par plu- sieurs de ces principes de segmentation, constituant ainsi un système polymétrique (Gray, 1996) dans lequel le musicien dispose de multiples sources de synchronisation.
Au travers d’exemples empruntés au monde musical afro-diasporique, on montrera que cet élargissement, voire reconsidération, du mètre est extrapolable à un certain nombre de corpus, comme ceux de la musique occidentale dite savante ou populaire.
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