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Composed by Jonathan Harvey , concert on July 2, 2016
Aer pour clarinette, violoncelle et piano (1991) […] [fait] partie des explorations des processus que Beat Furrer a conduites dans les années 1990 et [aborde] le sujet des agrégats musicaux.
Le titre Aer renvoie aux philosophes présocratiques, qui considéraient l’air comme la substance fondamentale de toute chose. Il est « illimité et non indéterminé, mais déterminé […] Il diffère en épaisseur et en densité selon la qualité des choses. Dilué, il devient feu, densifié vent, puis nuage, densifié encore plus fortement eau, puis terre, puis pierre. Tout le reste provient de là ». Les présocratiques postulent également « un mouvement éternel, d’où naît aussi le changement. Le froid est le facteur qui contracte et épaissit la matière, le chaud celui qui l’amincit et l’amollit… Tout naît de l’air et tout s’y dilue à nouveau ». (Simplicius, à propos d’Anaximène.)
Cette description pourrait presque résumer le scénario d’Aer : instrument à vent, la clarinette forme un continuum sonore en balayant de vastes espaces d’un mouvement rapide et selon une ligne pratiquement infinie. Le violoncelle et le piano y mêlent des interjections ponctuelles et souvent bruitistes, produites par des techniques de jeu hétérogènes, comme si un ensemble d’instruments variés imaginait des événements sonores dans divers espaces. À l’analyse, il s’avère qu’il s’agit d’une ligne jouée quatre fois, mais filtrée de telle façon entre violoncelle et piano que seuls en transparaissent des éléments isolés. Ce mouvement affolant conduit pourtant à un arrêt, la musique se fige en un « point de stase ». La ligne de clarinette se perd d’abord dans des trilles suraigus répétés, sur un martèlement mécanique et métallique produit sur les cordes étouffées du mi3 du piano, après quoi les événements se raréfient de plus en plus. Dans la seconde partie, les agrégats reparaissent selon une nouvelle organisation. Des multiphoniques de la clarinette introduisent « très calmement » une dernière section, caractérisée d’abord par de soudaines éruptions, puis de doux échos de plus en plus isolés, comme si l’histoire se dissolvait effectivement « en air ».[Aer] traduit […] à sa manière des « images de stase » en explorant la relation entre temps et mouvement. La stase est à la fois état et processus, tantôt forme extrême d’immobilisme, tantôt processus de réduction du mouvement jusqu’à l’arrêt. […]
© Marie Luise Maintz
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