Né en Allemagne en 1897, Herbert Eimert s’engage dans l’armée en 1914 dès l’âge de 17 ans. Fait prisonnier en Pologne, unique rescapé de son unité, il revient en Allemagne en 1918. Il commence alors des études de musique à la Hochschule de Cologne (1919-1924) en violon, piano, direction d’orchestre et composition (Franz Bölsche). Durant ces années, Eimert gagne sa vie en accompagnant des films muets et en écrivant des critiques musicales pour des revues locales ou plus importantes comme Melos ou Neue Zeitschrift für Musik. C’est à cette époque qu’il rencontre le musicien russe Jefim Golyscheff qui va exercer une influence musicale importante autant sur sa façon de composer que de noter la musique atonale.
En 1924, Eimert compose son premier quatuor dodécaphonique (Funf Stücke für Quartett, 1923/25) et écrit un texte intitulé Atonale Musiklehre, qu’il publie chez Breitkopf et Härtel. Sa position avangardiste sur l’écriture atonale rentre en conflit avec celle, beaucoup plus conservatrice, de Bölsche, et il n’est plus autorisé à poursuivre ses études au conservatoire. Cette histoire pourrait presque être anecdotique si le texte et la partition ne montraient pas, dès le début des années vingt, l’intérêt profond qu’Eimert manifeste pour l’atonalité et la théorisation de la musique, éléments qui seront le fondement de toute son œuvre musicale. Il part alors à l’université de Cologne et y étudie la musicologie avec Ernst Bücken ainsi que la philosophie auprès de Nicolai Hartmann. Il faut noter aussi que Atonale Musiklehre est le premier texte à proposer une approche systématique de la musique atonale ainsi qu’un discours déjà très développé pour l’époque autour de la notion de « complexes imbriqués », c’est-à -dire l’utilisation des douze sons dans des agrégats mélodico-harmoniques. À cette date, la méthode dodécaphonique de Schoenberg, dont l’opus 23 date de 1923, n’était pas connu hors du cercle restreint des étudiants du compositeur. Toutefois, Eimert se rapprochera de Schoenberg dans ses écrits ultérieurs comme Lehrbuch der Zwölftontechnik (1950) et Grundlagen der musikalischen Reihentechnik (1963). En 1931, il obtient son doctorat sur les structures des formes musicales aux XVIIe et XVIIIe siècles.
En 1947, après la guerre, Eimert prend en charge la section des reportages culturels de la Nordwestdeutscher Rundfunk (NWDR), mais aussi, jusqu’en 1965, du programme nocturne : le Musikalisches Nachtprogramm. Ce dernier, en dépit d’un horaire tardif, devient rapidement le lieu d’expression privilégié des compositeurs les plus connus de l’avant-garde. En 1951, avec le phonéticien Meyer Eppler et Robert Beyer, Eimert fonde le Studio für Elektronische Musik de la WDR dont il sera le directeur jusqu’en 1962. Devenu l’un des plus importants studios de musique électronique d’Europe, avec le studio de phonologie de la RAI en Italie et le GRMC (Groupe de Recherche de Musique Concrète) en France, il voit passer entre ses murs des compositeurs comme Konrad Boehmer, Péter Eötvös, Franco Evangelisti, Luc Ferrari, Karel Goeyvaerts, Mauricio Kagel, Gottfried-Michael Koenig, Ernst Krenek, György Ligeti, Bo Nilsson, Henri Pousseur, et surtout Karlheinz Stockhausen. Pour accompagner le travail pratique en studio et permettre aux jeunes compositeurs de publier leurs recherches théoriques ou leur processus de composition, Eimert fonde et dirige avec Stockhausen la revue Die Reihe (1955-1962). En 1965, il devient professeur à la Hochschule de Cologne et dirige leur studio de musique électronique jusqu’en 1971. Grâce au studio et à l’implication d’Eimert, la musique électronique devient, pour la première fois, une discipline musicale à part entière, incluse dans un cursus académique, mais non subordonnée au cursus de composition traditionnel.
Il compose de la musique de chambre jusqu’en 1948 puis de la musique électronique, toutes deux sur des conceptions atonales et/ou sérielles. Kain (radio score, Byron) de 1948 est la première pièce pour bande complètement électronique de l’histoire des studios. Glockenspiel (1953) ou Fünf Stücke (1956) sont structurées sur des progressions sérielles, un canon dodécaphonique, ou des variations permutantes. Zu Ehren von Igor Strawinsky (1957) quant à elle, est centrée sur la notion de timbres et de sons filtrés. Enfin, Epitaph für Aikichi Kuboyama (1962) et Sechs Studien (1962), les deux dernières œuvres montrent l’intérêt porté par Eimert pour la voix et la richesse de son spectre sonore.