Le poème utilisé dans cette composition est un travail sur « la versification quantitative » où la succession des voyelles joue un rôle particulièrement important. J'en ai fait six « lectures », dont la première reproduit le discours en le triplant et en transposant simultanément le contour des hauteurs originelles sur trois différents niveaux avec un accompagnement non parlé. J'ai cherché par là à transformer le timbre habituel de la voix (tout en gardant pour l'essentiel sa hauteur originelle et son profil ryhtmique) afin de permettre au public de remarquer les effets musicaux du rythme et de la hauteur de la parole à l'intérieur d'un contexte musical. La seconde lecture prolonge les voyelles sur certaines hauteurs à la fin des vers, de manière à former une méta-structure musicale.. La troisième lecture utilise la voix comme résonateur dans un environnement acoustique complexe (échos, boucles de réinjection, chambre réverbérante, etc..). Il en résulte que les courbes d'amplitude et de fréquence du discours originel deviennent des aspects implicites d'une texture musicale extrêmement compliquée. La quatrième lecture déforme l'énonciation des notes dans une mise en forme de type choral qui essaie de capturer, à l'intérieur d'un contexte différent, certaines vertus verbales des bons chanteurs de jazz. La cinquième lecture transforme les consonnes et les plosives de la parole murmurée en motifs percussifs répétitifs qui centrent l'attention de façon inhabituelle sur les articulations non voisées que nous avons tendance, généralement à escamoter à l'intérieur des mots. La sixième et dernière lecture cherche à créer un effet de mélodrame. L'arrière-fonds musical vise à mimer la surface du discours en reconstituant la relation entre les mots et leur accompagnement.