Klaus Huber (1924-2017)

Ascensus (1969)

pour flûte, piano et violoncelle

  • Informations générales
    • Date de composition : 1969
    • Durée : 16 mn
    • Éditeur : Schott, nº AVV 44
Effectif détaillé
  • 1 flûte, 1 piano, 1 violoncelle

Information sur la création

  • Date : 1969
    Lieu :

    Suissen Lanzerheide-Valbell.


Note de programme

« Bienheureux les pauvres, car ils possèderont la lune » (Ernesto Cardenal, Oraculo sobre Managua). Bienheureux américains qui en ces jours de l'été 1969 avez foulé le sol de la lune. Naïfs humains ; rappelez-vous l'ivresse de la prouesse, le progrès perçu sans fin ; la lune aujourd'hui, demain Mars et bientôt d'autres mondes ; ce mysticisme de la science et de la technique qui vous exaltaient alors et dont il ne reste rien, sinon quelques laborantins tournant dans leurs satellites. Et le ridicule qui accompagnait l'exploit : la lune transformée en terrain de golf par un cosmonaute farceur.

De telles chimères méritaient bien qu'on en rit, et qu'un Klaus Huber, encore très ébranlé par les événements de 1968 (il a décidé depuis ce temps de confronter son œuvre au monde réel), trouve là le prétexte à sa première œuvre « engagée ». Engagée certes pour un motif assez futile (la critique de la conquête spatiale), et dont lui-même se moque ; mais c'est un tournant tout de même dans son œuvre que cette ascension parodique (assaut) vers une lune (vieille lune) : le progrès, le rationalisme. Un changement radical dans l'œuvre de cet homme qui s'était jusque là réfugié dans le Moyen Age, lisant les mystiques, écrivant une musique hors du temps.

Pour n'être pas évident à l'écoute (comment le serait-il ?), le projet de Klaus Huber ne fait aucun doute quand on regarde sa partition, ou lit sa présentation : « J'introduisis dans la première partie une page de partition graphique qui n'était rien d'autre que la transcription d'une carte de la lune, dont les trois instruments se partagent la mise en musique (selon le quartier de lune présent le jour du concert). » Une note de bas de page ajoute cette précision : « Dès que la face cachée de la planète aura été suffisamment explorée, cette feuille devra être remplacée ».

La deuxième partie offre un reflet de la « lune comme principe moral, tel qu'il apparaît dans les mythes de la plupart des civilisations. Mais si, dans la première partie, les moyens et les méthodes de composition tendent vers l'irrationnel, dans la seconde partie, je les ai utilisés de manière délibérément rationnelle et compréhensible » (Klaus Huber, Ecrits, Editions contrechamps, Genève). Et qui est visé ici, par delà la NASA et ses « nouvelles frontières », sinon cette esthétique radicale fondée sur l'idée de progrès, ce scientisme musical, le sérialisme, que Huber utilise parfois, mais toujours avec parcimonie ?

Marc Texier, notice du CD Una Corda 201 652