Une œuvre plutôt douce, cinématographique, qui fait appel à une distribution relativement importante, seize musiciens. Jalousie a un double sens : le mot désigne à la fois ces volets orientables qui ne permettent de voir que dans un seul sens, et le sentiment. C'est avec cette tension que joue le « nouveau roman » du même nom écrit par Alain Robbe-Grillet. Sans être jamais nommée ni exprimée, la jalousie éprouvée par l'époux (qui n'apparaît jamais réellement) et narrateur est au centre de La Jalousie. À l'inverse, les conditions, les contextes, les observations masculines et les refoulements de ce sentiment sont décrits minutieusement et s'inscrivent automatiquement, comme un traumatisme, à la lecture du texte.
« Elle est descendue en ville avec Franck, pour faire quelques achats urgents. Elle n'a pas précisé lesquels. Du moment que la chambre est vide, il n'y a aucune raison pour ne pas ouvrir les jalousies, qui garnissent entièrement les trois fenêtres à la place des carreaux. Les trois fenêtres sont semblables, divisées chacune en quatre rectangles égaux, c'est-à-dire quatre séries de lames, chaque battant comprenant deux séries dans le sens de la hauteur. Les douze séries... » À ce propos, j'ai trouvé dans l'autobiographie d'Alain Robbe-Grillet, le commentaire suivant : « ...un monde totalement indescriptible, formé par les bruits autour de la maison. Comment se fait-il qu'on ait aussi peu parlé du rôle de l'ouïe dans ce roman... ? » c'est ce que j'ai tenté de faire dans cette composition – une commande du jazz-festival de Francfort de 1991 pour l'Ensemble Modern.
Heiner Goebbels.